C'est «la mère des batailles», selon le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui réclamait déjà, début décembre, «une vaste réforme fiscale» en réponse à la colère naissante des gilets jaunes. Né de la contestation de la hausse de la taxe carbone, le mouvement a d'abord été perçu comme le signe d'un effritement du consentement à l'impôt. Avant que les revendications bâties sur les ronds-points ne se précisent. Et que se fasse entendre un autre discours, en faveur de plus de justice fiscale. Un appel auquel le gouvernement devrait apporter ses réponses dans les prochains jours.
Gilets jaunes : moins ou mieux d’impôts ?
«Trop de taxes.» Tel était, aux premières heures du mouvement, le message inscrit sur certaines chasubles fluos. Un discours anti-fiscalité qui faisait alors écho à des revendications sur le pouvoir d'achat, mais aussi, plus paradoxalement, pour le développement des services publics. Difficile, donc, d'y voir un simple rejet franc de l'impôt. «La contestation fiscale est d'abord un refus de l'injustice, expliquait ainsi en janvier Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités. Elle traduit le ras-le-bol d'une politique fiscale injuste et non un ras-le-bol des impôts en général.» Une nuance qui apparaît alors dans les revendications écrites de certains collectifs de gilets jaunes, réclamant notamment le maintien d'un impôt sur le revenu «davantage progressif». Un appel aussi repris par des organisations comme Attac et les syndicats, dont la CFDT, favorable à la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu pour les plus nantis.
Grand débat : une autre fiscalité possible ?
Revendication phare et historique des gilets jaunes, la restauration de l'impôt sur la fortune (ISF) revient avec insistance sur le site du grand débat et dans les cahiers de doléances ouverts dans les mairies. Selon un sondage Ifop, la mesure serait plébiscitée par 77 % des Français. Autre piste populaire ayant plus récemment émergé : la baisse de la TVA, avec un taux ramené à 0 % sur les produits de première nécessité. Ou encore une «remise à plat» des dispositifs de niches fiscales, deux propositions formulées par exemple à Prévessin-Moëns (Ain), où un débat a été organisé début mars. L'occasion pour les participants de pointer la nécessité de «lutter contre l'optimisation» et l'«évasion fiscale». Et de proposer, pêle-mêle, d'«imposer tous les Français, même de façon symbolique», de mettre en place une «taxation sur les transactions financières» ou encore de «mettre fin aux cadeaux fiscaux aux entreprises sans contrepartie».
Où en est le gouvernement ?
Rien ne filtre sur les mesures qui devraient être annoncées probablement la semaine prochaine. Pointant dans les colonnes du Parisien le «sentiment d'injustice, en matière fiscale, notamment», Sibeth Ndiaye, la nouvelle porte-parole du gouvernement, a promis des réponses. Sans donner plus de détails. En attendant, l'exécutif meuble surtout avec du réchauffé. «La remise à plat de notre fiscalité est en cours, nous l'avons lancée», affirme Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, dans le JDD. Et de citer la suppression de la taxe d'habitation, effective depuis 2018 pour une partie de la population et qui concernera tous les foyers français d'ici 2022. Avec à la clé, assure-t-il, «17 milliards d'euros» redonnés aux ménages. Pour compléter ce geste, l'élu de Tourcoing propose désormais de supprimer la contribution à l'audiovisuel français, la fameuse «redevance télé», dont le ministre de la Culture, Franck Riester, ne veut pas entendre parler.
Le ministre des Comptes publics ne ferme pas la porte à une refonte de l'impôt sur le revenu, pour le rendre plus progressif. Sans toutefois faire preuve d'un grand enthousiasme. «C'est une piste parmi d'autres», explique-t-il dans le JDD. Avant d'insister plutôt sur les niches fiscales «pas toutes utiles ni justes», qui représentaient 100 milliards d'euros par an. Une idée largement partagée parmi les députés macronistes. Peu bavard sur les mesures à venir dans l'attente du verdict présidentiel, le gouvernement est au contraire très précis sur les projets d'ores et déjà abandonnés. C'est le cas du rétablissement de l'ISF qui était, selon les mots de Darmanin, un impôt «absurde, purement idéologique». Même chose pour la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Pour le ministre des Comptes publics, «ce n'est pas l'idée la plus facile à mettre en œuvre, ni le meilleur moyen de soutenir le pouvoir d'achat». Dimanche, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, évoquait de son côté une éventuelle «modulation de la TVA sur des critères écologiques». La piste d'une réforme des droits de succession a également été exclue par Emmanuel Macron. Quant à la taxe carbone, elle devrait connaître le même destin. Le gouvernement préférant, selon sa porte-parole, «trouver d'autres solutions pour créer un consensus et lutter contre le réchauffement climatique».