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Libération
Récit

François-Xavier Bellamy, les maux passants

La liste du parti Les Républicains, emmenée par le Versaillais de 33 ans, fait une légère remontée dans les intentions de votes. Sa ligne conservatrice semble séduire le noyau traditionnel de l’électorat de droite. Reste, pour lui, à rallier les centristes.
François-Xavier Bellamy au siège du parti Les Républicains, à Paris le 13 mars. (Photo Albert Facelly)
publié le 9 avril 2019 à 20h26

Tous y vont de leurs compliments sur la tête de liste LR aux européennes, François-Xavier Bellamy. Depuis son entrée en campagne, le jeune professeur agrégé de philosophie serait même parvenu à faire décoller la liste de 8 % à 13 % dans les sondages, la plaçant à la troisième place dans les intentions de votes. L’adjoint au maire de Versailles, au physique à mi-chemin entre le premier communiant et le gendre idéal, réussit pour l’instant à faire entendre sur l’Europe une petite musique bien différente de celle jouée sur le même thème à grands coups de cymbales par le président de LR, Laurent Wauquiez. «François-Xavier ne fait pas d’effets de manche. Il s’adresse à la raison et développe un discours pondéré sur l’Europe», résume Arnaud Danjean, numéro 3 sur la liste. Et pour mieux donner des gages de sa bonne foi européenne, Bellamy s’est rendu en pèlerinage, pour un de ses tous premiers déplacements, dans la demeure de Robert Schumann. Annie Genevard, secrétaire générale du parti, se montre tout aussi enthousiaste. «Il mène une campagne qui fait du bien dans le débat politique actuel. Il en impose par ses qualités, sa fermeté et son authenticité», constate la députée du Doubs et vice-présidente de l’Assemblée nationale. Un constat partagé par tous les pontes de LR qui saluent cet exercice politique d’un nouveau genre au sein du parti de droite.

Civilisation européenne

Pour une fois, LR ne se livrerait pas à une opposition systématiquement basse du lobe frontal. Avec un avantage supplémentaire, celui de rassurer une frange de son électorat, plus âgé que la moyenne et peu friand d'une dénonciation tous azimuts de l'Union européenne comme le laissaient craindre avant le départ en campagne les déclarations de Laurent Wauquiez. Même dans l'entourage de Valérie Pécresse, peu susceptible de complaisance envers le patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes, certains admettent que le pire a été évité. «Avec lui, nous ne sommes pas dans la caricature anti-européenne. Il affiche des valeurs de droite traditionnelles qui n'ont rien à voir avec celles du parti de Marine Le Pen», juge un élu proche de la présidente de la région Ile-de-France. Un conservatisme bon teint, bien policé, très versaillais, face au populisme gouailleur de la patronne du Rassemblement national, Marine Le Pen, et de sa tête de liste, Jordan Bardella. Avec sa défense des valeurs de la civilisation européenne, comme de la politique agricole commune (PAC), qu'il faut absolument relancer, et son discours sur la politique migratoire, qu'il veut ferme mais sans trop d'excès, Bellamy a su séduire le noyau traditionnel de l'électorat de droite. «Il régénère les valeurs de droite. Il va contribuer à changer notre logiciel», s'enthousiasme un des cadres de LR. Un avis largement partagé par Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat et ancien directeur de la campagne Fillon en 2017, séduit par le nouveau petit «Mozart» de la droite.

Ce petit printemps sondagier du principal parti d'opposition au Parlement vient également conforter Laurent Wauquiez, alors que beaucoup dans son camp, à commencer par le président du Sénat, Gérard Larcher, doutaient de son choix de lancer Bellamy. «Wauquiez a fait un choix audacieux mais qui paye. Il faut lui reconnaître le mérite d'avoir su aller le chercher. Ce sont deux personnalités et deux talents qui travaillent ensemble», se félicite Annie Genevard. Même si le score de LR n'est pas encore assuré en ce milieu de campagne, une partie de la remontée de Bellamy dans les sondages rejaillit sur le président du parti. D'après un sondage Elabe publié dans les Echos, Wauquiez, même s'il se situe toujours en 22e place du baromètre de popularité, progresse de 14 points ce mois-ci chez les sympathisants de droite - un public auprès duquel il gagne six places et se hisse à la troisième marche du podium, certes loin derrière le «patron» Nicolas Sarkozy mais refaisant une partie de son retard sur le patron de la région des Hauts-de-France, l'ex-LR Xavier Bertrand. Il trouve même grâce chez 48 % des électeurs de François Fillon.«C'est dire s'il revient de loin», ironise un de ses opposants. «Un échec aux européennes lui aurait été imputé», confirme Annie Genevard.

Avec un casting en partie renouvelé (même si Brice Hortefeux ou Nadine Morano figurent toujours aux avant-postes de la liste) qui comprend en troisième position Arnaud Danjean, aux engagements européens indiscutables, Laurent Wauquiez a su ramener à lui une bonne part de l'électorat de droite, perdu depuis la double défaite de 2017. «Ce n'est pas forcément un grand exploit, mais cela montre au moins que nos choix sont bons et que nous ne nageons pas à contre-courant», se félicite un cadre du parti. «Ce n'est que la première étape de notre travail de reconquête», reconnaît Annie Genevard.

Très insuffisant

Ce regain de forme pour LR et son patron reste encore très insuffisant pour envisager jouer les premiers rôles dans une présidentielle. «François-Xavier Bellamy a réussi à ramener autour de lui le noyau dur de la droite qui pèse aujourd'hui entre 13 % et 15 %», tranche Jérôme Fourquet de l'Ifop, mais sans élargir jusqu'au centre droit. Cela n'a pas échappé à Wauquiez, qui a cédé de belles places sur la liste à la petite formation centriste d'Hervé Morin, l'ex-ministre de Sarkozy et président de la région Normandie. Pas de quoi contrebalancer le soutien de Juppé ou Bayrou au camp Macron.