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Libération
Billet

Marie, Jean, Yanis et Lina

publié le 10 avril 2019 à 20h36

Quand on s'appelle Rachida, Zinédine, Jamel ou Najat, est-on mal intégré à la société française ? Une certaine droite, dont Eric Zemmour est le pathologique porte-parole, le pense. Ainsi il rangera Zinédine Zidane, Rachida Dati, Jamel Debbouze ou Najat Vallaud-Belkacem dans la catégorie des mauvais Français, ce qui en dit long sur le niveau de sa réflexion. Plus souvent qu'on ne croit, un prénom d'origine étrangère ne dit pas grand-chose sur l'insertion culturelle d'un enfant d'immigré dans le pays où sont venus ses parents. La «police des prénoms» exercée sur les plateaux de télévision par le publiciste d'extrême droite est éminemment fausse et choquante. En revanche, pour les démographes et pour les sociologues, le choix d'un prénom local par une famille venue d'ailleurs est à coup sûr le signe d'une volonté d'intégration. C'est là que l'étude publiée mercredi par l'Ined prend son sens : elle contredit les cris d'orfraie poussés par le courant nationaliste, qui roule de grands yeux en expliquant peu ou prou que le prénom Mohammed va devenir le plus couru de l'Hexagone. Vaste fumisterie que les chiffres de l'Ined dissipent sans appel. La question est vite réglée pour les enfants et petits-enfants d'immigrés «latins» (Espagnols, Portugais, etc.). En deux générations, le choix du prénom des nouveau-nés ne diffère plus de la moyenne des Français. Pour la descendance des immigrés venus du Maghreb, à la deuxième génération, les prénoms de culture musulmane se transmettent aux deux tiers. Mais à la troisième, le pluralisme s'installe. Seuls 23 % des petits-enfants d'immigrés portent un prénom arabo-musulman. Ces familles choisissent souvent des prénoms ni «français d'origine» ni «maghrébins» : Inès, Rayan, Yanis ou Lina. Autrement dit, ces familles ont opté pour une sorte de compromis qui tend à concilier leur double identité de Français et de citoyen d'origine immigrée. Ainsi la fable horrifique du «grand remplacement» trouve une nouvelle réfutation. L'étude montre que cette diversification touche l'ensemble de la société française, qui choisit souvent des prénoms venant de la culture populaire. Désormais, les Français piochent dans un répertoire de quelque 200 prénoms, où se mélangent toutes sortes d'influences venues de la culture internationale, souvent anglo-saxonne. Au bout du compte, ce n'est pas Allah qui inspire le plus le choix d'un prénom. C'est Hollywood.