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Libération

«Elle a mérité ce qu’elle a eu» : le laborieux suivi des hommes violents

publié le 16 avril 2019 à 20h16

C'est le récit d'une évolution. En tout cas, pour la plupart d'entre eux. Du déni à la réflexion, voire à une prise de conscience : pour le documentaire la Maison des hommes violents (1), diffusé mardi soir sur France 2, la réalisatrice Marie-Christine Gambart a passé plusieurs semaines au sein du «Home des Rosati» à Arras (Pas-de-Calais). Créée en 2008, la structure, pionnière du genre, peut accueillir jusqu'à huit hommes faisant l'objet de poursuites pour violences conjugales.

Au cours de leur séjour, qui peut aller d'une semaine à plusieurs mois, ils bénéficient d'un suivi judiciaire, mais aussi socio-éducatif. Objectif : les aider à prendre conscience de la gravité de leurs actes. «Au début, tout le monde dit : "c'est pas de ma faute", mais ici, personne n'est victime», observe ainsi Sébastien. A 33 ans, le jeune homme a déjà passé cinq mois dans la bâtisse arrageoise. «Le but, c'est de nous faire réfléchir. Et de ne plus recommencer», analyse-t-il. C'est toute la force de ce doc : donner la parole aux auteurs, chose aussi rare que difficile. Ainsi, Kevin, 36 ans, en couple depuis dix ans et père de deux enfants dit avoir voulu «s'expliquer» avec sa compagne, qu'il soupçonne d'adultère. «Je l'ai jetée à terre et violentée», détaille-t-il, avant de trancher : «Elle a mérité ce qu'elle a eu.» D'autres paroles de ce type, terribles, jalonnent ces cinquante minutes très justes. A table, l'un des pensionnaires récite le bénédicité. S'y glisse cette drôle de prière : «J'espère que vous allez me protéger du malheur de ma femme, qu'elle va se faire punir par le bon Dieu.» Minimisation des faits, culpabilisation de la victime semblent des mécanismes récurrents, heureusement compensés par de lentes, mais belles, prises de conscience.

A 41 ans, Freddy a déjà passé «la moitié de sa vie en prison» et quatre mois au Home. Seul homme à témoigner à visage découvert, il loue le «courage de madame d'être allée porter plainte». Sans cela, «comment ça aurait fini ?» questionne-t-il. Car ce doc dit aussi, en creux, la souffrance des victimes.

Tous les ans, 220 000 Françaises sont victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou leur ex. En 2017, 130 femmes ont été tuées par leur compagnon.

(1) En replay sur France TV.