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Libération
Récit

Fusillades à Nantes : «Il manque des policiers pour dissuader les truands»

Devant le bar où un homme de 24 ans a été abattu dans la nuit de lundi à mardi. (Photo Sébastien Salom-Gomis. AFP)
publié le 23 avril 2019 à 20h56

Coup de fièvre sur Nantes. Le serveur d'un bar à chicha du centre-ville a été tué dans la nuit de lundi à mardi lors d'une nouvelle fusillade, la cinquième depuis vendredi. Cet homme de 24 ans, qui travaillait au Moonlight, n'était «pas vraiment connu» des services de police, selon le procureur de la République Pierre Sennès. Il vient s'ajouter aux six blessés recensés ces derniers jours : l'une est placée dans un coma artificiel, après avoir été atteinte aux jambes et à l'abdomen alors qu'elle se trouvait à Bellevue, un quartier sensible à l'ouest de Nantes. Un autre «pourrait perdre un œil». «J'avais dit, la dernière fois, qu'on avait frôlé le pire… Je ne pensais pas que ma prédiction allait se réaliser, a confessé mardi Pierre Sennès. Ce type de faits n'est pas nouveau : on en a eu 45 l'an dernier. Mais là, clairement, on constate une accélération.»

Quarante enquêteurs de la police judiciaire - et dix autres venus «en renfort» de Rennes - ont donc été mobilisés, dans le cadre d'une enquête criminelle pour «assassinat» et «tentatives d'assassinat». Les «tirs nourris» qui ont plu sur le Moonlight - entre sept et dix douilles retrouvées - interrogent en effet le procureur. «On n'a pas établi de lien, à cette heure, entre ces différents épisodes de violences», met en garde ce dernier. «L'hypothèse de représailles est à l'étude, mais cela relève pour le moment d'une analyse un peu spéculative. Cela peut très bien relever de rivalités entre quartiers, de trafic de stupéfiants ou même de simples animosités personnelles.»

Ce mercredi, une réunion du Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) sera consacrée à la fusillade mortelle de la nuit de lundi. Cette instance regroupe les services de la police judiciaire, de la sûreté départementale, de la sécurité publique, de la gendarmerie et de la mairie de Nantes. Elle a «permis d'élucider la moitié des affaires» depuis sa création en janvier 2017, à l'occasion d'une flambée de violences similaire à Malakoff, un autre quartier sensible de la ville.

«On n'est malheureusement pas surpris : cela fait des années qu'on alerte les pouvoirs publics», soupire Arnaud Bernard, secrétaire départemental du syndicat Alliance. «La seule différence, c'est que l'an dernier on en avait une par semaine environ, et sans forcément de blessés.» Pour le responsable syndical, il manque des policiers pour «dissuader un peu les truands» : 39 renforts sont arrivés sur Nantes le 1er avril, là où la hiérarchie policière locale évaluait les besoins à 73 et les syndicats à 100. «Sur les 39 qui sont arrivés, 19 vont remplacer des collègues qui vont bientôt partir à la retraite, souligne Arnaud Bernard. Autant dire qu'on est très loin du compte.» Le maire (PS) de Saint-Herblain, commune limitrophe de Nantes qui partage avec elle le quartier sensible de Bellevue, a donc interpellé mardi de son côté le ministre de l'Intérieur «pour exiger un renforcement réel et visible» du dispositif policier. Bertrand Affilé avait alerté au préalable «à de multiples reprises» la préfecture sur le sujet, précise-t-il.