Peut-être est-on un vieux pessimiste, mais la question nous tracasse : comment peut-on avoir encore envie de faire de la politique aujourd’hui ? Les possibilités d’agir pour le bien de la nation paraissent limitées, au contraire des coups à prendre dans cette jungle où la seule assurance est de finir détesté par à peu près tout le monde. C’est ce qu’on voulait demander à Gabriel Attal, 30 ans, ex-porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale, et depuis octobre secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse. A 29 ans et sept mois, il est devenu le plus jeune ministre de l’histoire de la Ve République. L’archétype de celui qui y croit encore.
Attablé devant un Moscow Mule, un cocktail vodka, ginger beer et citron vert, il est arrivé avant nous à Kasha, le restaurant de son cousin près du canal Saint-Martin à Paris, antre à la déco bobo-vintage où l'on mange… des crêpes. Le nom de l'endroit vient des graines de sarrasin grillées que leur grand-mère russe mettait un peu partout dans ses plats. De ses origines slaves, Attal a gardé le goût pour ces saveurs et la religion orthodoxe. Ce qui ne l'empêche pas de se faire traiter de «youpin» et autres horreurs sur les réseaux sociaux. Il hausse les épaules : «Mon père m'avait dit :"Tu es peut-être orthodoxe, mais tu te sentiras juif toute ta vie, notamment parce que ton nom te fera subir l'antisémitisme."» Pendant deux heures de discussion sincère, on a beaucoup parlé de sa famille,