Menu
Libération
Interview

Medef «Il faut que le gouvernement soit cohérent avec ses objectifs»

Pour le numéro 2 du Medef, Patrick Martin, la suppression de niches fiscales nuirait à la compétitivité des entreprises.
Patrick Martin (à gauche) et Geoffroy Roux de Bézieux, à Paris le 19 mars. (ERIC PIERMONT/Photo Eric Piermont. AFP)
publié le 26 avril 2019 à 20h46

Patrick Martin est numéro 2 du Medef. Face à l'idée de financer les baisses d'impôts en supprimant certaines niches fiscales pour les entreprises, il met en garde contre «les incohérences» d'un double discours gouvernemental dans lequel «on insiste sur la compétitivité tout en ouvrant la porte à des hausses de prélèvements» pour les sociétés.

Comment le Medef réagit-il aux annonces présidentielles ?

On est surpris et même intrigués. Le Président a insisté à bon droit sur la nécessaire compétitivité des entreprises. C’est en son nom qu’il a par exemple justifié son refus d’augmenter le smic. Mais en même temps, il évoque des suppressions de niches fiscales nous concernant, ce qui revient à augmenter les impôts des entreprises. Je rappelle que, y compris avec le CICE et les efforts faits ces dernières années pour améliorer la fiscalité des entreprises, la France reste, sur les 36 Etats membres de l’OCDE, celui où les prélèvements fiscaux et sociaux sont les plus élevés.

Quelles sont les niches à risques selon vous ?

Si elles existent, c’est qu’elles correspondent à un besoin. Certains critiquent le crédit d’impôt recherche qui, avec ses 6,2 milliards d’euros annuels, est la niche la plus importante. Mais ce dispositif qui compte parmi les meilleurs au monde pour la R & D a considérablement contribué à soutenir le dépôt de brevets et à développer des dizaines de milliers d’emplois de chercheurs. Il est vital qu’il soit sanctuarisé.

Selon une étude du Conseil d’analyse économique, les allégements de charges sont de moins en moins efficaces à mesure que le salaire augmente. Leur suppression au-delà de 1,6 smic permettrait d’économiser 4 milliards par an…

Outre le fait qu’il est très difficile de retracer les créations d’emplois directement générées par le CICE, les écarts de coûts salariaux dans le secteur industriel pour lequel avait été pensée cette mesure restent là aussi en défaveur de la France. Le fait de remettre en cause ces dispositifs enverrait un très mauvais signal alors que les entreprises ont besoin de stabilité et de visibilité pour embaucher et investir. On ne va pas partir en guerre contre le gouvernement, mais il faut que ce dernier soit cohérent avec des objectifs qu’il a lui-même fixés.

Ne pourrait-il pas y avoir un rééquilibrage en faveur de la demande et du pouvoir d’achat, après des années d’arbitrages ayant surtout favorisé l’offre, c’est-à-dire les entreprises ?

Ces dernières sont conscientes des difficultés des ménages et ont agi de manière responsable, comme le prouve le succès de la «prime patron» annoncée en janvier. Mais quand on entend que l'on nous fait encore un cadeau avec la transformation en 2019 du CICE en baisse de charges, il faut rétablir la vérité. D'une part, cela va faire entrer 4 milliards de plus d'impôts sur les bénéfices dans les caisses et, de l'autre, le report d'une partie des baisses de charges au 1er novembre va faire économiser à l'Etat 2 milliards. Même si l'on se félicite d'entendre qu'il y aura un nouvel acte de décentralisation, on constate que le Président est resté évasif sur la dépense publique. Or cette maîtrise est indispensable si l'on veut maintenir la compétitivité de nos territoires. En 2017, les entreprises auront versé 43,5 milliards d'euros d'impôts aux collectivités, un chiffre en hausse de 4,2 %. Avec la fin annoncée de la taxe d'habitation, elles vont contribuer à la moitié de leur financement. Si l'on veut parvenir à une fiscalité réellement compétitive en France, il va falloir prendre cette question de la dépense publique à bras-le-corps.