On se demande bien ce que le Canada venait faire là. «Quand on regarde ce qui se fait ailleurs, les Canadiens sont toujours très inspirants», a expliqué jeudi Macron lors de sa conférence de presse, avant d'annoncer sa volonté de créer d'ici à 2022 des «endroits où l'on puisse trouver une solution aux problèmes» - soit des maisons de services au public qu'il souhaite rebaptiser «France service» - dans chacun des 2 054 cantons que compte la France.
Sauf que, selon des modalités et sous des bannières différentes, l’idée de regrouper l’accueil du public, les missions de l’Etat et de plusieurs grands opérateurs comme la CAF, la Poste ou la SNCF et EDF existe en France depuis au moins 1995. Et que l’on dénombre déjà 1 300 maisons de services au public (MSAP) disséminées un peu partout en dans le pays (contre 320 en 2013) grâce à un sérieux coup d’accélérateur donné en 2014 par la ministre de l’Egalité des territoires de François Hollande, Cécile Duflot. D’ailleurs, en juillet, le chef de l’Etat et le gouvernement tressaient des couronnes de lauriers au dispositif en inaugurant la MSAP de Sarliac-sur-l’Isle, en Dordogne. Et il y a trois semaines, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, annonçait devant le congrès des maires du Gers avoir demandé au gouvernement d’en développer 500 de plus. Ce qui conduit à ranger l’annonce sortie du chapeau présidentiel jeudi soir au mieux dans la catégorie «relance d’un projet existant» ou, au pire, «subtil réemballage du vieux avec du neuf».
Geler
Conçus pour remédier aux fermetures de services publics dans les zones rurales sous le coup de réductions budgétaires successives, ces lieux de vie sont aujourd’hui victimes de leur succès. Et ce n’est pas le mouvement des gilets jaunes qui contredira la tendance : depuis le 17 novembre, les manifestants ont jeté une lumière crue sur le recul de l’Etat dans les territoires fragiles. Selon une étude de 2018 de la Banque des territoires qui anime le réseau des MSAP, le taux de satisfaction des utilisateurs est de 80 % et les demandes de créations se multiplient. Au total, quelque 2,3 millions d’actes ont été réalisés dans les MSAP en 2018, l’aide d’accès aux services numériques arrivant en tête des requêtes. Le hic, c’est que le budget annuel de 62 millions d’euros (50 % collectivités, 25 % fonds de l’Etat et 25 % des opérateurs) a été pensé pour 1 000 MSAP et qu’il ne suffit plus. A tel point que le gouvernement a décidé de geler toute nouvelle ouverture après un rapport alarmant de la Cour des comptes sur ce financement il y a trois mois.
«Terrain»
S'il a bien annoncé son intention de faire basculer une partie des fonctionnaires de l'appareil d'Etat vers «le terrain» - une «profonde réforme de l'administration» est programmée pour mai -, Macron n'a donné jeudi aucune précision budgétaire susceptible de consolider ces MSAP. «C'est en jouant collectif qu'on peut remettre de la République partout», insistait-il lors de son déplacement en Dordogne. En clair : il va falloir se partager la douloureuse. Quant au changement de nom du dispositif, il figurait lui aussi parmi les «engagements pour améliorer les MSAP» signés par Jacques Mézard, prédécesseur de Jacqueline Gourault, en juillet. C'était le neuvième et dernier point du programme : «changer le nom des structures pour marquer l'évolution du modèle». Dont acte.