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Libération
Éditorial

Artillerie

publié le 1er mai 2019 à 21h46

La Rotonde a failli se trouver une deuxième fois inscrite dans l'histoire de ce quinquennat. Symbole paroxysmique de l'ère macronienne, la brasserie a été très vite prise pour cible par les casseurs dans les premières heures de la manifestation parisienne du 1er Mai. Comme si elle incarnait ce président dont les gilets jaunes réclament semaine après semaine la destitution. L'assaut a pu être repoussé à coups de lacrymos et de grenades de désencerclement par des forces de l'ordre qui avaient pour consigne de ne rien laisser passer, quitte à riposter sans discernement, mais on imagine ce qu'il en aurait été si le lieu avait été saccagé. Ce premier assaut repoussé a semblé désamorcer la hargne d'ultras moins nombreux que prévu et surtout canalisés sur un boulevard sans encoignures piégeuses. Ils voulaient faire de Paris la «capitale de l'émeute», ils ont surtout poussé le ministère de l'Intérieur à sortir la grosse artillerie et à transformer le centre-ville en camp retranché. Ce déploiement de forces aurait pu passer pour un aveu de faiblesse face à une menace diffuse et confuse. Il s'est révélé efficace. Deux hommes jouaient gros dans cette affaire : Emmanuel Macron, qui a tenté la semaine dernière de clore un mouvement social d'une longueur inédite en annonçant des mesures censées redonner du pouvoir d'achat aux classes moyennes et populaires, et Christophe Castaner, qui jouait son poste de ministre de l'Intérieur. Que cette journée se termine mal et c'était la légitimité de ce proche du chef de l'Etat qui était en cause. In fine, ce 1er Mai se sera partagé de façon égale entre le rouge, le jaune et le noir, les «convergences populaires» tant souhaitées par un Jean-Luc Mélenchon replié sur Marseille ne semblant pas vraiment au rendez-vous. Cela ne donne pas un blanc-seing à Macron. Plutôt l'obligation de tenir ses promesses sociales. Et d'enfin parler d'Europe.