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Libération

Pollution à Marseille: le buzz de JYS, coûte que coûte ?

Patron de snack, humoriste et lanceur d'alerte: Jean-Yves Sayag, alias JYS, multiplie les vidéos pour dénoncer les décharges sauvages à Marseille. Il se revendique «apolitique» mais pose volontiers avec des élus de tous bords, même RN, au nom de la cause qu’il défend.
Jean-Yves Sayag. Capture BFM
par Julie Le Mest, à Marseille
publié le 2 mai 2019 à 8h59

«Il n'y a plus de moules, il n'y a plus de poissons, il n'y a plus rien ! C'est scandaleux, c'est à vomir !» Sur la vidéo postée le 3 avril, des images de détritus dans le port autonome de Marseille. Avec, en fond sonore énervé, la voix au fort accent marseillais de Jean-Yves Sayag. Très vite, c'est le buzz. Des centaines de milliers de vues sur Facebook, des sujets sur France 3 et BFM TV… Un gros coup médiatique pour le Marseillais de 47 ans, qui en avait déjà d'autres à son actif. Cela fait plus de dix ans que notre homme, gérant de snack dans la vraie vie, joue les humoristes sous le pseudonyme de JYS. Et depuis deux ans, c'est par vidéo interposée qu'il met sa gouaille et sa gueule au service d'une seule cause : l'environnement, plus particulièrement la question des décharges sauvages.

Le patron de snack, dans XIVe arrondissement, a une expérience de première main: «Sur mon parking, il y avait des caravanes abandonnées, un camion sans moteur. Je me disais: "Qu'est-ce qu'ils attendent pour les enlever ?" Jusqu'au jour où j'en ai eu marre: j'ai commencé à faire une vidéo pour parler de ça.» Son coup de gueule cartonne. Les suivants aussi. En 2018, JYS a même les honneurs d'Envoyé spécial, qui en fait l'un des personnages d'un reportage sur les lanceurs d'alerte spécialisés en décharges.

Tournée des popotes

Mais aujourd'hui, il veut franchir un nouveau cap et régler définitivement le problème des déchets. Son idée: faire voter une loi qui créerait une écotaxe sur les produits de construction, qu'on retrouve régulièrement dans les décharges sauvages. En payant plus cher ces matériaux («entre 3% et 5%», calcule-t-il), cela permettrait de financer la gratuité des centres de tri pour les professionnels. «Cette mesure, elle ne va emmerder que ceux qui travaillent au black, ceux qui trichent», affirme JYS, qui a déjà fait la tournée des popotes politiques pour vendre son projet. «Un sénateur ou une sénatrice», et même «deux députés européens» seraient intéressés et travailleraient avec lui sur le dossier, assure-t-il, sans lâcher les noms.

S'il joue les énigmatiques, c'est que l'échiquier politique visé par JYS est large. Lui-même s'enorgueillit de «manger à tous les râteliers», tapant «de Mélenchon au Rassemblement national». Sur son mur Facebook, on le voit apparaître aux côtés de politiques locaux, de préférence portant à droite. Même à la droite extrême, comme lorsqu'il se fait taguer par Vincent Vidal, élu régional dissident RN proche des identitaires, ou photographier en 2018 en plein spectacle par Cédric Dudieuzère, premier adjoint au maire RN des XIIIe et XIVe arrondissements. «S'il y a un truc dont je me fous, c'est bien de ça, évacue Jean-Yves Sayag. Au Rassemblement national, ils sont très sympas et, surtout, ils m'aident pour mes journées de nettoyage de décharges ! Moi, je n'ai pas d'idées politiques. Tout le monde se sert de moi et moi, je me sers de tout le monde !» La preuve, «j'ai aussi fait des trucs avec Mélenchon, avec la mairie de droite, ou Samia Ghali avec qui je suis très bien», soutient-il.

Méfiance…

«On l'a invité une fois à une réunion du groupe environnement, raconte un militant de La France insoumise. Mais on a surtout retenu qu'il avait un discours très égocentré…» Même réticences du côté des Verts marseillais, qui l'avaient tout de même convié il y a quinze jours à leur journée thématique sur la pollution marine. «Cela avait créé le débat parce que certains trouvaient que dans des vidéos, il tenait des propos un peu limite, confie un membre actif du mouvement. Disons qu'il y a un peu de méfiance et qu'on reste prudent.» Ce n'est pas côté écolo, en tout cas, que l'on porte le projet d'écotaxe de l'humoriste…

Mais Jean-Yves Sayag peut compter sur d'autres soutiens: sa prochaine action de nettoyage de décharges sauvages pourrait avoir lieu en juin à l'Estaque, et JYS annonce autour de lui des partenaires privés, la mairie de gauche des XVe et XVIe arrondissements et la métropole LR. Lesquels savent qu'ils seront remerciés, dans la vidéo qu'il a prévu de tourner pour l'occasion. Au jeu des râteliers, on joue rarement solo.