Une entreprise française qui aurait déversé des tonnes de déchets toxiques dans la mer ou dans une forêt en France ou à l'étranger pourra-t-elle, un jour, faire l'objet d'une condamnation pour crime d'«écocide» ? Le Sénat débattait jeudi soir d'une proposition de loi (PPL) du groupe socialiste visant à créer cette «incrimination pénale spécifique pour la criminalité environnementale».
Le texte pose les bases d'une notion nouvelle qui va s'imposer aux dirigeants politiques et économiques dans les années à venir. Les sénateurs PS suggèrent de définir l'écocide comme «le fait, en exécution d'une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d'un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l'environnement et aux conditions d'existence d'une population». «Dans le droit national, les sanctions prévues aujourd'hui pour les crimes et délits environnementaux sont très faibles», constate l'auteur de la PPL Jérôme Durain, qui espère qu'elle permettra de confier ces dossiers complexes «à des magistrats formés sur ces enjeux, avec des moyens adaptés». Si le terme d'«écocide» n'est pas encore entré dans le langage courant, le concept, apparu dans les années 70, a été débattu à plusieurs reprises dans les instances internationales. Mais ses défenseurs ne sont jamais parvenus à le faire intégrer dans le statut de Rome (1998), à la base de la création de la Cour pénale internationale de La Haye. A défaut de mettre d'accord les 124 Etats signataires du traité, les pays ont été incités à avancer de leur côté. «Notre démarche a une dimension pionnière : inscrire l'écocide dans la législation nationale peut créer un effet d'entraînement», espère Jérôme Durain. Rejeté en commission fin avril, son texte n'a guère plus de chances de convaincre la majorité sénatoriale. Mais il a le mérite de lancer le débat.