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Libération

Sur le terrain, le Parti animaliste tente de porter ses thèmes de niche

La formation politique veut se faire une place sur la scène européenne et propose notamment une réorientation de la PAC vers une alimentation plus végétale.
Distribution de tracts du Parti animaliste pour les européennes, dimanche, sur le marché de La Grande-Motte. (Photo Sandra Mehl)
publié le 6 mai 2019 à 20h36

«Un parti pour les animaux ? C'est un gag ?» L'homme regarde incrédule le tract qu'on lui tend. Face à lui, Valérie ne se démonte pas : «Vous trouvez que c'est un gag, ce qui se passe dans les abattoirs ?» rétorque la militante sans se départir de son sourire. Adhérente au Parti animaliste, cette architecte de 52 ans tracte plusieurs fois par semaine en vue du scrutin européen du 26 mai. Bravant les bourrasques de vent qui balaient les stands, elle arpente ce dimanche-là le marché de La Grande-Motte (Hérault) avec trois autres militantes. Face à elles, des réactions au mieux indifférentes, au pire agacées. Déjà convaincus de l'intérêt de la cause animale, certains passants assurent qu'ils donneront «leur voix aux sans-voix» et que rien ne pourra les détourner de ce choix. Mais d'autres se rebiffent. «Je ne peux pas être d'accord avec vous, je travaillais dans un abattoir !» leur lance un retraité. Un autre repousse le tract que Valérie lui tend. «Je l'ai déjà», dit-il en montrant le papier bleu qui lui a été donné un peu plus tôt par les militants du Rassemblement national, venus en nombre sur le marché.

Baptême

Pas facile pour les animalistes de se faire une place sur la scène politique, d'autant que le 26 mai, 33 listes se disputeront les faveurs des électeurs français - un record. Mais Hélène Thouy, 35 ans, figure de proue de ce parti créé en 2016, veut y croire : «Nous bénéficions d'une forte dynamique et d'un nombre croissant de soutiens. Cela me semble possible d'atteindre les 5%.» Avocate au barreau de Bordeaux, spécialiste du droit des étrangers, Hélène Thouy est surtout connue pour son implication dans plusieurs dossiers médiatiques liés aux abattoirs, la chasse ou la corrida. «Ce que nous souhaitons, c'est que la question animale émerge dans le débat politique, plaide l'avocate. Mais nos propositions concernent aussi les humains, car nombre d'entre elles touchent à des enjeux environnementaux, climatiques ou économiques.» Parmi les mesures prônées par ce parti, l'instauration d'un commissaire européen chargé de la protection animale ou la création d'un statut juridique européen pour les animaux. Mais aussi l'arrêt des mutilations des bêtes d'élevage, l'interdiction de la corrida, de la production de foie gras, de la détention d'animaux dans les cirques et de l'abattage sans étourdissement. Ou encore la limitation à huit heures du transport d'animaux vivants et l'interdiction de leur exportation vers des pays tiers. «Nous souhaitons également inciter financièrement les éleveurs à se convertir à l'alimentation végétale grâce à une réorientation de la PAC et de ses milliards d'euros actuellement fléchés vers le secteur de l'élevage et de la pêche, explique Hélène Thouy. Pour la France, particulièrement à la traîne en matière de protection animale, l'UE peut représenter un vrai vecteur d'amélioration.»

La liste compte 79 candidats - y figurent quelques personnalités, comme l'écrivain et journaliste Henry-Jean Servat ou Sylvie Rocard, épouse de l'ancien Premier ministre - et aucun profil type ne se dégage. Agés de 19 à 73 ans, ces candidats sont médecins, chômeurs, enseignants, étudiants, chefs d'entreprise ou élus locaux. «Aux dernières législatives, en 2017, notre financement public a été amputé de 36% parce que nous avions présenté deux tiers de femmes parmi nos 147 candidats. Nous avons ainsi été le premier parti sanctionné pour avoir présenté plus de femmes que d'hommes ! s'amuse l'avocate. Mais cela nous semblait ridicule d'écarter de bonnes candidates juste pour des raisons financières.» Pour ce baptême du feu électoral, le Parti animaliste avait recueilli, dans les circonscriptions où il était présent, 1,1% des voix, soit à peine moins que Debout la France (1,17%).

Brochette

Deux ans plus tard, le parti revendique environ 2 000 adhérents et affiche parmi ses soutiens une belle brochette de célébrités : Claude Lelouch, Anouk Aimée, Anny Duperey, Nolwenn Leroy, ou encore Robert Hossein. «Nous sommes tous bénévoles et comme nous fonctionnons sur nos propres deniers, nous n'avons pas encore les moyens d'adresser à tous les Français notre profession de foi, regrette Hélène Thouy. Mais aujourd'hui, les enjeux s'inscrivent au niveau international : nous avons rejoint une coalition de onze partis animalistes européens qui, selon les sondages, pourrait obtenir cinq à sept sièges au Parlement. Comme le disait Victor Hugo, "rien n'arrête une idée dont le temps est venu".»