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Philippot, Asselineau, Dupont-Aignan : pas de banques mais des histoires de gros sous

Pour ces élections européennes, les formations dites «souverainistes» se financent sans l’aide des banques, mais via des contributions de leurs adhérents et candidats.
Contrairement à Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau n'a pas mis la main à la poche. (JACQUES DEMARTHON/Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 7 mai 2019 à 19h40

Que ce soit l’UPR de François Asselineau, Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan ou Les Patriotes de Florian Philippot, aucune des formations dites «souverainistes» (ou plus concrètement europhobes) aux européennes ne va faire campagne avec l’aide d’un établissement bancaire français. Chacune s’étant financée via les dons de ses adhérents ou les apports personnels de ses candidats. A des degrés divers, puisque ces petits partis sont soumis aux projections de leurs résultats dans les sondages, généralement faibles, et à la probabilité d’un remboursement éventuel de leur campagne à l’issue des élections – généralement faible aussi. «Je n’ai même pas essayé de contacter les banques», disait en février Philippot, dont la formation est créditée de 1% des intentions de vote, quand il en faudrait au moins 3% pour voir ses frais rendus, et minimum 5% pour entrer au Parlement européen.

Debout la France : un million d’euros de ses candidats

Le seul à qui cela pourrait arriver pour l'instant semble être Dupont-Aignan, si l'on se fie aux études actuelles, puisqu'elles donnent toutes Debout la France (DLF) entre 4% et 6%. Mais l'ancien candidat à la présidentielle sait qu'il aurait sacrément galéré : «On a écrit des lettres à quinze banques, et on a eu que des refus», assure le député, qui dénonce «un scandale absolu» : «Les banques cadenassent la démocratie.» Du coup, comme son grand frère, le RN (ex-FN), DLF a dû faire appel à la générosité de ses électeurs via un «prêt populaire». Il lui aurait rapporté 1,2 million d'euros depuis avril. La formation va donc faire campagne avec une somme rondelette : le million et quelques ainsi collecté, plus «quelques dons divers» à hauteur de 300 000 euros (dixit Dupont-Aignan), et ce que la tête de liste a lui-même mis au pot, c'est-à-dire «de quoi couvrir le R39», du nom de l'article du code électoral obligeant les partis politiques à avancer les frais d'impression pour les bulletins de vote officiels et l'affichage pour le jour de l'élection (dans les 700 000 euros).

A cela s'ajoute, enfin, l'apport personnel des candidats présents sur la liste en position éligible. Dupont-Aignan l'évalue à 1 million d'euros environ. Tout le monde n'a pas été mis à contribution, précise-t-on à DLF en évoquant la «lanceuse d'alerte» Stéphanie Gibaud, au RSA depuis des mois et numéro 2 sur la liste, mais les contributions se sont quand même faites en fonction de la place réservée. Exemple : le proche conseiller de NDA, Jean-Philippe Tanguy, numéro 3, a mis 300 000 balles sur la table. Nadejda Silanina, compagne de l'homme d'affaires proche des cercles russes Gilles Rémy, numéro 8, 50 000 euros. «Je prends un risque, dit Tanguy. Mais j'y crois. On est tous un peu fous, mais au moins ça oblige à se battre.»

La chose était de toute façon devenue inévitable : fin février, Dupont-Aignan a viré de sa liste sa numéro 4, Emmanuelle Gave, fille de l'entrepreneur Charles Gave, à cause d'une série de dérapages racontés dans l'Opinion et de tweets racistes déterrés par Libération. Mais la femme est repartie avec les 2 millions qu'avait donnés sa famille avec son ticket d'entrée au Parlement, et il a donc fallu trouver de l'argent très vite. Alors «tout le monde a cassé sa tirelire», dit NDA.

L’UPR : une cagnotte de 1,5 million d’euros

L'UPR a lui aussi mis à contribution ses adhérents. Mais beaucoup plus tôt : il a commencé à le faire dès novembre. Raison : «Nous sommes indépendants. Nous avons zéro euro d'emprunt bancaire, nous n'avons donc aucune dette», explique Asselineau. Sa cagnotte à lui aurait permis de récolter 1,5 million d'euros. «Ce qui fait 16 000 donateurs, avec une moyenne de 80 euros par personne, assure Asselineau. Aucun journaliste ne nous croit, mais c'est bien la preuve que nous avons bien 36 700 adhérents, dont 27 000 à jour de cotisation.» L'argent récolté par l'UPR servira à payer les bulletins de vote, la profession de foi et les affiches électorales officielles déjà commandées à l'imprimeur, les 700 000 euros du R39.

En plus des dix «gros» meetings de campagne de la formation pro-Frexit, comme le 17 avril à Marseille ou le 24 mai à Aubervilliers, qui coûtent à chaque fois dans les 30 000, dit Asselineau. Contrairement à Dupont-Aignan, lui n'a pas mis la main à la poche, sauf pour sa «cotisation annuelle, plus peut-être 100, 200 euros par-ci par-là», explique celui qui dit ne toucher d'argent que de son salaire de président de l'UPR : «Bien en dessous des 5 000 euros.» «Dans notre parti, contrairement aux autres, nous ne demandons jamais aux candidats de financer la campagne comme la loi l'autorise. Chez certains, notamment au RN, plus on donne et plus on est haut sur la liste. La nôtre est composée avec des gens distingués pour leur militantisme», raconte encore l'énarque.

Philippot : 300 000 euros proposés à Asselineau

Illustration : récemment, Florian Philippot, qui pourtant dit lui aussi faire campagne grâce aux apports de ses cocandidats, a approché Asselineau avec un chèque de 300 000 euros dans la veste, en échange d’un rôle de numéro 3. Mais l’homme a refusé sec. Philippot aurait «cherché à se sauver en obtenant une place éligible sur notre liste. Mais sa démarche ne visait qu’à sauvegarder son mandat à Bruxelles et son immunité parlementaire», dit Asselineau. Référence au fait que Philippot est en ce moment dans le viseur de la police, pour avoir quand il était numéro 2 du FN commandé à son équipe un faux rapport afin de maquiller l’emploi fictif d’une de ses proches. «En plus, on avait appris qu’avant nous, Philippot avait aussi tenté sa chance auprès de Dupont-Aignan, qui n’est même pas pour le Frexit. Avec cette fois un chèque de 400 000 euros», ajoute Asselineau. Plusieurs sources, dont le patron de DLF, confirment. «Philippot n’a pas appelé lui-même, il est passé par des intermédiaires. Mais pour moi, c’était non de toute façon. Jean-Philippe [Tanguy] bosse avec moi depuis des années, il n’était pas question que quelqu’un d’autre soit investi à sa place. Je suis fidèle en amitié», assure Dupont-Aignan. Surtout quand l’autre en face ne pèse que 1%.