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Libération
Éditorial

Vigilance

publié le 7 mai 2019 à 20h06

Quand les antidouleurs sèment la mort… Chaque semaine, environ cinq personnes meurent en France d'une overdose d'antidouleurs opioïdes, ces médicaments dont les effets calmants sont similaires à ceux de l'opium, mais dont la puissance addictive est supérieure à celle de l'héroïne. Ces décès sur ordonnance sont aujourd'hui plus nombreux dans l'Hexagone que ceux consécutifs à une overdose de drogue illégale. Terrible paradoxe : c'est la meilleure prise en compte de la douleur dans notre système de soins, dont il faut évidemment se réjouir, qui est à l'origine de cette dérive mortelle. Les chiffres sont suffisamment inquiétants pour que les autorités sanitaires en appellent à la vigilance sur la prescription, en hausse régulière depuis une quinzaine d'années, de ces médicaments, et notamment sur leur dosage qui, mal adapté, entraîne de forts effets de dépendance. Les spécialistes parlent de «signaux émergents» de crise sanitaire. Ils tirent en somme la sonnette d'alarme. Il y a de quoi. Il suffit de regarder de l'autre côté de l'Atlantique pour s'en convaincre. Là-bas, la crise sanitaire a atteint le stade de l'épidémie, avec 322 morts chaque semaine par overdose de médicaments à base d'opiacés. Une situation qui a poussé Donald Trump, à l'automne 2017, à déclarer l'état «d'urgence de santé publique». Et à faire voter une loi. Sans grand résultat pour le moment. Bien sûr, le système de santé français ne ressemble pas au système américain, livré aux intérêts privés, géants pharmaceutiques en tête. En France, les organismes gouvernementaux ou agences indépendantes servent de garde-fous. Les partisans d'une plus grande libéralisation de notre système de santé feraient bien d'y réfléchir.