Pas de blanchiment sans banquier ou avocat. Ce vieil adage des procédures financières complexes vaut aussi pour l’affaire Balkany. En l’espèce, l’homme de loi soupçonné d’être impliqué dans les montages douteux s’appelle Arnaud Claude. Spécialisé dans les expropriations, son cabinet a longtemps prospéré grâce à de prestigieux clients tels que Bouygues et les laboratoires Servier, mais aussi des municipalités emblématiques des Hauts-de-Seine comme Puteaux ou Levallois, le fief des Balkany.
Bordereau
Quoiqu'il s'en défende, Me Claude aura joué un rôle central dans l'évasion fiscale du maire et de son épouse. Omniprésent à tous les stades du pataquès offshore ayant permis l'acquisition du riad à Marrakech au cœur du dossier, il sera jugé aux côtés du couple pour «blanchiment de corruption et de fraude fiscale» et «complicité de corruption par personne dépositaire de l'autorité publique», avec pour circonstance aggravante d'avoir commis ces faits «en utilisant les facilités procurées par l'activité d'avocat».
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Il est notamment accusé d'avoir aidé Jean-Pierre Aubry, bras droit de Balkany, à acquérir le fameux riad avec l'aide de la fiduciaire suisse Gestrust. Face aux enquêteurs, l'avocat a juré n'être intervenu qu'à «titre personnel» en faveur de son ami Jean-Pierre, lequel faisait mine d'acheter le bien en son nom propre. Mais les investigations ont révélé l'existence d'un virement de 200 000 dollars, envoyé depuis une société écran suisse sur un compte à Singapour. Sur le bordereau de virement, un employé a pris soin d'écrire à la main : «partie des honoraires de Me Claude». L'avocat a tenté de s'en justifier au motif de la rémunération de son neveu, théoriquement en charge d'une expertise dans le Sud-Est asiatique.
Arnaud Claude aura pourtant tout fait pour éviter d'apparaître en lien avec la fiduciaire suisse utilisée pour le montage. Afin de ne pas éveiller les soupçons, il est allé jusqu'à envoyer des fax depuis le bureau d'un avocat voisin, sur le très chic boulevard Malsherbes. S'il a fini par admettre devant les juges que son cabinet était bien spécialisé dans l'immobilier, l'avocat a en revanche revendiqué son incompétence en matière fiscale. «J'ai accepté de rendre service.» Me Claude a aussi admis quelques déplacements - en Suisse ou au Maroc, business oblige - en compagnie de Jean-Pierre Aubry, jusqu'à accompagner ce dernier chez le notaire pour signer l'acte de vente. Mais là encore, «à titre personnel».
Echanges
Associé historique de Nicolas Sarkozy depuis les années 80 (l'ex-président possède un tiers du capital du cabinet, se contentant de rabattre des clients de prestige, comme Bouygues ou Dassault plutôt que de plaider en robe), Arnaud Claude s'est longtemps targué d'avoir été fait chevalier de la Légion d'honneur en 2010, durant le quinquennat de son ami. Mais en janvier 2014, lorsque les premières informations sur les montages offshore des Balkany fuitent dans la presse, la fiduciaire suisse Gestrust s'empresse de prendre les devants pour échapper aux poursuites, et adresse au parquet de Berne une dénonciation de soupçon de blanchiment. «C'est Me Claude qui délivrait les instructions», confirmera le patron de Gestrust, qui confiera aux enquêteurs le contenu d'un de ses échanges avec Jean-Pierre Aubry et Arnaud Claude, levant toute ambiguïté sur l'identité du bénéficiaire réel : «M. Aubry m'a alors dit : "Vous savez que je porte pour mon ami Balkany ?"» Spécialiste en montages financiers tortueux, Renaud van Ruymbeke a résumé abruptement le cas de l'avocat : «ordonnateur des avoirs et gérant des dépenses de Patrick Balkany». Arnaud Claude, dont le nom est apparu depuis dans le scandale d'évasion fiscale des Panama Papers, risque jusqu'à cinq ans de prison.