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Coups, injures, viols : les LGBT de plus en plus agressés

LGBT +dossier
L’Ifop a publié lundi un bilan en hausse des violences dont sont victimes les personnes lesbiennes, gays, bi et trans en France. Plus de la moitié d’entre elles ont déjà été agressées.
Lyès Alouane, un militant LGBT qui a déjà été victime d’homophobie. (Photo Henrike Stahl)
publié le 13 mai 2019 à 20h46

C’est un constat aussi complet que glaçant. Dans une vaste étude (1) dévoilée lundi, l’Institut français d’opinion publique (Ifop) dresse un état des lieux de la haine dont sont victimes les personnes lesbiennes, gays, bi et trans dans l’Hexagone (enquête menée auprès d’un échantillon de 1 229 personnes LGBT). Il en ressort que plus de la moitié d’entre elles (55 %) ont déjà été victimes d’une forme d’agression au cours de leur vie et que, pour 22 %, ce fut une agression physique. Les coups et autres gifles semblent de plus en plus fréquents, puisque selon de précédents travaux réalisés par l’Ifop pour la délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, en juin 2018, 17 % des LGBT déclaraient avoir déjà été violentés physiquement.

Pis, 7 % des personnes agressées l'ont été au cours des douze derniers mois, tandis que lors de la dernière enquête de l'Ifop, seuls 3 % répondaient positivement à cette question. Autre hausse : celle du nombre de victimes de viols. Tandis qu'en juin 2018, 11 % des LGBT interrogés disaient en avoir été victimes, ce taux est passé à 13 %. L'étude permet également de cerner les lieux dans lesquels cet «environnement homophobe» se manifeste le plus. Ainsi, les injures ou menaces surviennent le plus souvent de la rue (dans 25 % des cas), les squares et autres jardins (23 %), ou encore à l'école (20 %). Viennent ensuite les lieux de sortie (bars et restaurants), les transports en commun et le lieu de travail, puis l'environnement familial (dans 15 % des cas).

Stratégies

Dans le panel des injustices recensées par l'Ifop, les discriminations en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre ne sont pas en reste, puisque 30 % des sondés en ont déjà subi au cours de leur vie. «C'est un phénomène qui n'épargne aucune situation», notent les auteurs de l'étude. Ces discriminations sont principalement le fait de camarades de classe (28 % des cas), de collègues de travail (23 %), de voisins (23 %), de recruteurs ou chefs d'entreprise (22 %), mais aussi des forces de l'ordre, dans 21 % des cas. Rappelons qu'en vertu de la loi, ce type de comportements est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende, voire de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende si les faits ont été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique.

Une fois de plus, cette étude permet de prendre la mesure de l'impact d'un tel environnement sur le quotidien des concernés, bien souvent obligés de déployer des stratégies (jusqu'à déménager ou changer de travail) : 63 % des homosexuels évitent ou ont déjà évité d'embrasser une personne du même sexe en public (ce qui est particulièrement le cas des hommes, à 44 %) ; 37 % d'entre eux ont déjà évité certains quartiers ou certaines zones, et un tiers (33 %) ne rentrent pas seuls chez eux. Plus d'un quart des sondés (28 %) évitent même de côtoyer certaines personnes proches. Cet environnement hostile a également des conséquences psychologiques. L'Ifop parle du risque de voir poindre la «solitude» ou le «désarroi», qui peuvent mener jusqu'à des envies de suicide, ressenties par 23 % des personnes interrogées au cours de l'année écoulée, taux qui grimpe à 60 % chez les victimes d'une agression physique dans les douze derniers mois. Parmi elles, une sur deux a tenté de mettre fin à ses jours. Ces travaux mesurent également la difficulté de parler de ce vécu traumatisant, puisque 27 % des victimes ont signalé les faits aux forces de l'ordre, et 22 % seulement ont porté plainte. Une personne sur cinq a cherché de l'aide auprès d'une association spécialisée.

Autre enseignement : les agresseurs semblent majoritairement être des hommes (dans près de huit cas sur dix) de moins de 30 ans (dans 75 % des cas) et agissant en présence d’un groupe (dans 61 % des cas), même si cela ne veut pas forcément dire que tous les membres de ce groupe contribuent à l’agression ; certains peuvent rester passifs.

«Critique»

Dans 7 % des cas, les agresseurs sont décrits comme ayant une apparence «vulgaire, agressive». Ces résultats, dévoilés à quatre jours de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie vendredi, seront présentés ce mardi à Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Pour Jasmin Roy, président de la fondation ayant commandé cette étude, «la situation est critique et il est important pour les victimes de se sentir soutenues et de les encourager à dénoncer leurs agresseurs». L'association SOS Homophobie devrait elle aussi remettre son état des lieux annuel dans les jours à venir. L'année dernière, elle alertait sur la «hausse alarmante» des actes LGBTphobes, qui ont crû de 4,8 % en 2017.

(1) Etude Ifop pour la fondation Jasmin Roy-Sophie Desmarais, échantillon extrait d'un échantillon global de 13 346 personnes représentatif de la population française. Travaux réalisés via un questionnaire auto-administré en ligne, du 12 au 24 avril.