Le barnum Balkany tient toutes ses promesses. Avant même d'avoir commencé à aborder ses méandres offshore, la justice pénale s'égare dans les vices de procédure. Cela avait échappé jusqu'à présent aux médias, aux observateurs judiciaires et même aux avocats de la défense : «Huit jours avant l'audience, nous ne pouvions l'imaginer, proclame Pierre-Olivier Sur, défenseur d'Isabelle Balkany. On n'y comprend plus rien.» Tâchons toutefois.
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Il y a deux affaires Balkany. La principale vise un vaste réseau de sociétés offshore, jugé sous l'intitulé de «blanchiment de fraude fiscale», de «blanchiment de corruption», avec le qualificatif «aggravé». Délits en tous genres passibles de dix ans de prison. C'est le volet principal, au sein duquel les époux Balkany comparaissent en compagnie de quatre autres prévenus – leur fils, leur homme à tout faire, leur avocat et un promoteur immobilier saoudien.
Il existe toutefois un autre procès pénal, plus banalement pour «fraude fiscale», suite à une plainte de Bercy. Ce volet-là, plus simple, a le mérite de l'antériorité, réglé dès février 2018 par une ordonnance de renvoi en correctionnelle signée par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke. Ce n'est que six mois plus tard qu'il poursuivra Balkany et sa bande pour blanchiment. Les deux affaires étant évidemment liées, elles ont naturellement vocation à être jugées ensemble.
Sauf que les deux dossiers n'ont pas été formellement joints pénalement. D'où cette première semaine d'audience, où seuls les époux Balkany sont jugés pour fraude fiscale – Patrick étant l'unique prévenu présent à la barre suite à la tentative de suicide d'Isabelle. Seules les cinq semaines suivantes seront consacrées à l'essentiel. Sauf qu'il y a de multiples et évidentes passerelles entre les deux affaires. L'occasion pour Eric Dupond-Moretti, avocat du maire de Levallois-Perret, de pester à la barre : «Patrick Balkany n'est pas au-dessus des lois, mais pas non plus en dessous. Il est ici jugé d'une façon très singulière, c'est du jamais vu !» Son collègue Me Sur en rajoute dans l'indignation : «Dans un procès de cette nature, on attend mieux du TGI de Paris.»
L'avocat du fisc, Xavier Normand-Bodard, sûr de son bon droit en tant que plaignant au nom de Bercy, s'en remet benoîtement à la décision du tribunal en vue d'une éventuelle jonction des deux volets, tout en donnant son sentiment profond : «On comprend que M. et Mme Balkany ne souhaitent pas être jugés trop vite, tous les prétextes étant bons.» Le Parquet national financier (PNF) ne dit pas autre chose : «Il faut clore le procès du procès, proteste le procureur Arnaud de Laguiche, ce piège tendu par les époux Balkany pour annuler l'ensemble de la procédure.» A entendre le procureur, c'est par respect des engagements de la France en matière d'enquêtes pénales internationales, fort nombreuses dans la procédure Balkany (en Suisse, au Liechtenstein, au Maroc, à Singapour ou encore au Panamá) que des pièces bancaires saisies dans une procédure ne pourraient être versées dans une autre. D'où le cloisonnement des procès pénaux entre la fraude fiscale et son blanchiment.
Finalement, le tribunal correctionnel décidera de ne pas tenir compte de ces jérémiades procédurales. Puis de poursuivre son procès, tel un long fleuve plus ou moins tranquille.