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Libération
Récit

Disparue de Chalon de 1986 : l’enquête va se poursuivre

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon a annulé mercredi le non-lieu dans l’affaire Sylvie Aubert, une jeune femme assassinée en 1986 et dont le meurtrier reste inconnu.
Sylvie Aubert, 23 ans, a disparu le 14 novembre 1986. (Photo DR)
publié le 15 mai 2019 à 20h16

Les habitants du coin se souviennent certainement de cette photo d'une jeune femme brune aux cheveux courts, placardée sur toutes les vitrines : «On recherche Sylvie, 23 ans, disparue le 14 novembre 1986 au sud de Chalon-sur-Saône.» Le corps de Sylvie Aubert a été retrouvé, mais son meurtrier, jamais. Trente-trois ans plus tard, la justice, à bout de pistes, a décidé de rendre une ordonnance de non-lieu, le 17 janvier 2019. «Je n'arrêterai pas de me battre», commente auprès de Libération Martine Aubert, la sœur de Sylvie, qui a fait appel, refusant de se résigner au mystère. «De nombreuses pistes restent encore à exploiter, il n'y a absolument aucune urgence à clore cette affaire», insiste son avocat, Me Didier Seban. Et d'ajouter : «Nous avons l'impression qu'il n'y a plus aucune volonté de la part de la justice dans ce dossier, comme pour les autres affaires de Saône-et-Loire. D'ailleurs, il n'y a plus aucun enquêteur qui travaille.» En tandem avec son associée, MCorinne Herrmann, il se démène pour que les cas non élucidés des «disparues de Saône-et-Loire» - ces jeunes femmes tuées entre 1984 et 1999 dans un rayon de 200 km - ne tombent pas dans les limbes judiciaires. Mercredi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon lui a donné «satisfaction» : le «cold case» restera ouvert, ont décidé les magistrats, infirmant donc l'ordonnance de non-lieu.

Canoë. Quand sa sœur a disparu, ce 14 novembre 1986, Martine Aubert avait 28 ans, elle vivait à une soixantaine de kilomètres du domicile familial. C'est un coup de fil de ses parents qui l'a informée que sa cadette s'était volatilisée. A 21 heures, elle avait quitté son poste de caissière au Mammouth de Chalon-sur-Saône pour rejoindre la maison à Saint-Loup-de-Varennes. Ensuite, plus personne ne l'a revue. «Très vite, les enquêteurs ont retrouvé le cyclomoteur bleu de Sylvie, avec son sac à main accroché au guidon et une de ses chaussures, raconte Martine Aubert, aujourd'hui aide-soignante à la retraite. On savait donc que ce n'était pas une fugue.» Une enquête est ouverte des chefs d'enlèvement et de séquestration. Il faudra attendre cinq mois pour que le corps de Sylvie, entièrement dénudé, soit découvert par deux étudiants en canoë dans la rivière de la Dheune à Saint-Loup-Géanges. Les mains de la victime sont liées par du fer, son pull-over lui recouvre la tête et un morceau de tissu enserre son cou. L'état de dégradation du cadavre ne permet pas au légiste d'obtenir beaucoup de détails sur les conditions du décès, simplement d'établir qu'elle a été étranglée.

Reste à savoir par qui. Pendant plusieurs années, l'enquête piétine. En 1996, la justice jette l'éponge et rend un premier non-lieu. Dix ans plus tard, pour éviter la prescription, Martine Aubert se constitue partie civile : «Mes parents sont morts en 2002 et 2004. J'ai décidé de reprendre le combat pour retrouver le ou les assassins de ma sœur.» Elle rejoint aussi l'association Christelle - qui regroupe onze familles de «disparues de Saône-et-Loire» - créée après le meurtre de Christelle Blétry en 1996. Contrairement à ce que les enquêteurs avaient d'abord envisagé, tous les crimes ne sont pas imputables à un seul et même tueur. Récemment, deux dossiers ont en effet connu un spectaculaire dénouement. Dans l'affaire Christelle Maillery, 16 ans, tuée à coups de couteau au Creusot, en 1986, un suspect, Jean-Pierre Mura, a été confondu en 2011 puis condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Un peu plus tard, en 2014, Pascal Jardin a été arrêté pour le meurtre de Christelle Blétry à Blanzy. Condamné en 2017 à la perpétuité, il a vu cette peine confirmée en appel.

«Relancer». «La décision de la chambre de l'instruction est un signal positif, pour le dossier Aubert mais également pour les autres. On espère que ça va relancer le travail», explique Me Didier Seban. Un temps, l'ombre du tueur Ulrich Muenstermann a plané sur le crime de la caissière. Cet Allemand a été condamné à perpétuité pour les meurtres et viols de deux jeunes femmes (l'une en Allemagne, la deuxième à Avallon dans l'Yonne) retrouvées les mains ligotées dans le dos. Or l'homme aurait séjourné à Chalon-sur-Saône en 1986, si l'on en croit une fiche d'inscription dans une salle de sport. Les avocats de Martine Aubert considèrent que les investigations n'ont pas assez été poussées dans cette direction et ont demandé l'audition de témoins.

Ils voudraient aussi que les enquêteurs explorent davantage l'itinéraire de Pascal Jardin - «il connaissait parfaitement la zone du supermarché où Sylvie Aubert travaillait», note Me Seban - et cherchent des similitudes avec d'autres affaires criminelles. Dans sa décision, la chambre de l'instruction a d'ores et déjà enjoint le juge d'instruction à «procéder à des rapprochements avec d'autres dossiers sur l'ensemble du territoire national en envisageant l'hypothèse d'un tueur en série». Elle demande également d'inscrire l'affaire Aubert au fichier Salvac, un outil informatique qui permet de déceler des liens entre les dossiers.