On peut stagner dans les sondages à des niveaux lilliputiens et presque réussir à donner l'impression que l'on y croit plus que jamais. En meeting mardi soir au Beffroi de Montrouge (Hauts-de-Seine), une salle de 1 000 places bien garnie pour l'occasion, la tête de la liste «Les Européens», Jean-Christophe Lagarde, s'est démené pour faire mentir tous ceux qui pronostiquent un four historique de la liste du parti de centre droit le 26 mai. Confronté depuis le début de la campagne à la difficulté d'exister au centre sur un créneau pro-européen déjà trusté par La République en marche, la liste de l'UDI, par le passé allié de feu l'UMP, ne dépasse pas les 3 % dans les sondages – 1,5 % selon l'enquête Elabe réalisée mercredi pour BFM TV. Elle y fait jeu égal avec le Parti animaliste ou l'Alliance jaune du chanteur Francis Lalanne. De quoi mettre en colère le député centriste de la Seine-Saint-Denis, seul chef de parti à avoir eu le courage de «mouiller la chemise» en prenant la tête de sa liste, souligne le sénateur UDI des Hauts-de-Seine Hervé Marseille. «[Francis Lalanne] est certainement meilleur chanteur que moi, mais moi je ne suis pas un saltimbanque», a quant à lui ironisé Lagarde, qui se présente comme «le seul à ne parler que d'Europe dans cette campagne et à respecter les Français» en ne se trompant pas d'élection.
«Faire ensemble ce que nous ne pouvons faire seuls».
Prenant la parole après la transfuge LR Nora Berra et Louis Giscard d'Estaing, auteur d'un involontaire pastiche paternel en déclarant que «Macron n'a pas le monopole de l'Europe», deuxième et troisième sur sa liste, Jean-Christophe Lagarde a réservé ses plus belles flèches à Nathalie Loiseau qui, dit-il, «lui pique toutes ses idées». Tout comme la tête de liste du Rassemblement national Jordan Bardella «qui ne risque pas de faire de l'ombre à Marine Le Pen», la tête de liste LREM n'est pas «nobélisable». Elle défend un président totalement isolé au niveau européen dit-il, passé de «grande chance pour l'Europe au lendemain de son élection» à «responsable de sa paralysie» à force «de cliver et [d'être arrogant]». A l'image de sa proposition d'un smic européen, «une idée qui n'a rien d'européenne» mais qui, selon Lagarde, constitue simplement, nuance, «une idée française pour l'Europe».
Après avoir aussi raillé la tête de liste LR, François-Xavier Bellamy, sur son concept de double frontière européenne et française et Raphaël Glucksmann qui propose une hausse du budget européen – «C'est normal, il est socialiste, il taxe» –, le chef de file UDI qui se place sous le triple patronage européen de l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, de Simone Veil et de Jean-Louis Borloo a déroulé son projet. Un programme basé sur le principe que «l'Europe ne doit pas décider de tout mais nous permettre de faire ensemble ce que nous ne pouvons faire seuls».
Retraçant l'histoire de sa construction en expliquant que l'Europe avait certes réussi la paix et à créer un marché unique avant de s'égarer à partir de 1989 en «croyant que la mondialisation, c'était la fin de l'histoire», Jean-Christophe Lagarde a jugé qu'il faut sortir «d'un ultralibéralisme insupportable qui détruit nos emplois» dans une Europe en attente de nouveaux Jacques Delors, «obnubilée par cette idée absurde de la concurrence libre et non faussée».
«Des sièges en moins pour Marine Le Pen»
Dans son programme, la tête de liste UDI défend notamment l'idée que pour mettre fin à une paralysie alimentée par les égoïsmes nationaux, il faut remplacer les contributions budgétaires nationales (14 milliards d'euros annuels pour la France) pour financer l'UE par des contributions extérieures. Dans cette optique, le budget européen serait alimenté par trois taxes : une sur les transactions financières, une taxe carbone sur les produits importés et un droit de timbre similaire à l'Esta américain qui serait facturé aux touristes extra-européens. «Aujourd'hui, chaque pays veut un retour financier à la hauteur du montant qu'il a payé, cela rend impossible la mise en place de politiques communes sur le long terme.» La tête de liste UDI propose également la création d'un «livret E» européen pour favoriser la transition énergétique en mobilisant l'épargne populaire et de taxer «véritablement» les Gafa devenus plus puissants que les Etats en les imposant sur les données personnelles qu'ils détiennent.
Persuadé qu'il franchira la barre des 5 % – le seuil pour avoir des élus –, Lagarde a affirmé être à la tête de la seule liste «qui ne prend pas les Français pour des imbéciles.» «Voter pour nous est doublement utile, a-t-il conclu. Cela permet d'affirmer son attachement à l'Europe et de lutter contre le populisme. 250 000 voix, c'est très peu pour certains mais pour nous, c'est la garantie d'envoyer de vrais pro-européens au Parlement et ce sera autant de sièges en moins pour Marine Le Pen».
«Il a du courage politique et s'est creusé la tête pour proposer une vraie vision, réagissait une sympathisante montrougienne à la sortie du meeting. Maintenant, je doute fortement que ce sera suffisant pour crever l'écran au milieu de 34 listes. C'est peut-être malheureux à dire mais tout cela est trop abstrait pour toucher les gens le dimanche au marché.»