Janvier 2018, une brochette de femmes membres de la haute fonction publique et membres d'associations de promotion comme Avec les femmes de la défense, Femmes et diplomatie ou Femmes de justice, adressent une lettre ouverte au Président. Pour elles, pas de doute, la place de la gent féminine «dans le pilotage de l'Etat continue à être insuffisante et préoccupante». Elles ont fait les comptes. Les femmes ne représentent que 38 % des effectifs à l'Elysée : 17 femmes sur 53 membres du cabinet, sans compter les militaires. Au total, 24 ministères et secrétariats d'Etat sur 32 ne respectent pas la parité. Et sur ces 24 mauvais élèves, 13 sont dirigés par des hommes. Autre sujet d'irritation : l'obligation légale de nommer 40 % de femmes parmi les nouveaux entrants dans la fonction publique d'Etat ne sera sans doute pas respectée, selon leurs estimations. Elle est où, la grande cause du quinquennat - l'égalité entre les deux sexes -, peut-on lire entre les lignes ?
Cabinets. Message reçu au secrétariat d'Etat de Marlène Schiappa. Fin février, elle prend la plume pour sermonner ses collègues : «Nous avons un problème.» Elle s'indigne de constater que «les femmes représentent 52 % de la population française et seulement 33 % des nominations en Conseil des ministres». Début avril, Emmanuel Macron prend le relais en personne et souffle dans les bronches de son gouvernement. «Je vois les nominations : vous ne présentez que des hommes. Si ça continue, je ne nomme plus personne», tonne le chef de l'Etat en plein Conseil des ministres. Et pourtant… A ce jour, après deux ans au pouvoir, la part des femmes dans le cabinet d'Emmanuel Macron a… reculé. Selon nos calculs, on dénombre désormais 15 femmes pour 50 hommes dans l'équipe Macron, soit 30 %. De son côté, Edouard Philippe fait un peu mieux tout en restant très loin de la parité, avec 36,5 % de femmes dans son cabinet (hors service de communication). Même s'il n'existe pas de règle juridique contraignante pour la composition des cabinets - ce qui veut dire que l'Elysée et Matignon ne sont pas dans l'illégalité et ne risquent pas de pénalité -, l'exemple ne vient donc pas d'en haut.
La preuve : histoire de célébrer dignement le 8 mars dernier, la mission Etalab, qui fait partie de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat, a épluché l’annuaire administratif pour voir si la parité était respectée à tous les étages. Bilan ? Comme c’est désormais la règle du jeu implicite depuis la présidence Sarkozy, le gouvernement est certes paritaire (si on ne compte pas le Premier ministre) mais en dessous, dans les ministères, ça se gâte. Etalab annonce ainsi 27 % (seulement) de directrices, 30 % de sous-directrices, 35 % de cheffes de service, 37 % de cheffes de bureau. Moralité : plus il y a de responsabilités et moins elles sont exercées par des femmes. Et si on regardait encore en dessous ? Alors que l’on compte 53 % de femmes fonctionnaires de catégorie C, elles ne sont que 39 % à atteindre le graal du A +…
Volontarisme. Et donc, elle est passée où cette grande cause ? Toutes les associations féministes s'accordent à dire que le rattrapage de parité entamé sous Hollande est un processus forcément lent et long. Puisqu'il est exclu de virer des hommes en poste, il faut donc attendre que des places se libèrent. Et aussi beaucoup de volontarisme derrière l'ambition affichée. «J'attends de voir, modère ainsi Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Marlène Schiappa sait faire parler d'égalité de façon spectaculaire dans les médias, mais quel est le poids réel de son secrétariat d'Etat face aux autres ministères ?»