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Urbanisme

A Charenton-le-Pont, des bureaux vides recyclés en logements

Le premier trophée récompensant ces transformations a été remis jeudi à une grande barre de Charenton-le-Pont, dans le Val-de-Marne, devenue un ensemble d'appartements. L'idée : donner de la visibilité à cette pratique prometteuse mais compliquée à mettre en œuvre.
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publié le 17 mai 2019 à 17h06

La transformation de bureaux vides en logements pleins ? Damien Robert, chargé d'une mission sur le sujet pour le ministre du Logement, Julien Denormandie, dit que «sur le papier, c'est une évidence». Il ajoute que «dans la réalité, ça reste une exception».

En réunissant huit finalistes pour le premier Prix de la transformation de bureaux en logements, Paris Ile-de-France capitale économique et la Maison de l'architecture Ile-de-France, qui coorganisaient la compétition, ont déjà fait émerger une sorte de best of de la pratique. La métamorphose d’une grande barre tertiaire à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) a été choisie par le jury comme la plus emblématique. Le prix étant décerné au duo maître d’ouvrage-maître d’œuvre, c’est le bailleur social Immobilière 3F et l’agence d’architecture Moati-Rivière qui l’ont reçu.

«Plein sud»

Alain Moati, l'architecte, a résumé l'ambivalence d'un tel exercice : «C'est une barre en bordure de l'A4, avec six voies de circulation dans les deux sens. Mais c'est plein sud, avec des vues qui vont loin.» Dans le même registre des plus et des moins, «ce n'est pas un bâtiment très épais, donc les appartements sont mono-orientés. Mais du coup, toutes les pièces sont en plein jour, même les salles de bains». Le passé tertiaire de l'immeuble offre aux habitants «de très grandes hauteurs sous plafond, à 2,90 mètres, et des halls à double niveau».

Du côté du maître d'ouvrage, le commanditaire, même jeu d'équilibre entre les avantages et les inconvénients. Parmi les premiers, le plus important est évidemment l'économie d'émission de gaz à effets de serre due au simple fait de ne pas démolir. «C'est sûrement le premier acte écologique», remarque Alain Moati, l'architecte. Deuxième avantage, les délais d'instruction des permis de construire, qui raccourcissent : «On a rarement des recours sur ce type de projets, dit Pierre Paulot, directeur de la maîtrise d'ouvrage chez Immobilière 3F. A Charenton, nous avons signé la promesse de vente fin 2013 et nous avons livré en 2016.»

Elus réticents

Côté inconvénients, le premier est la difficulté à trouver les bâtiments. «Ils sont rarement totalement vides, constate Pierre Paulot. De plus, un propriétaire a du mal à se défaire d'un patrimoine auquel il a donné une valeur un peu plus élevée dans ses bilans» Or, pour que l'opération finale s'équilibre, il va falloir que le vendeur baisse ses prétentions. Damien Robert, dont la mission consiste à évaluer et optimiser le potentiel des bâtiments transformables, dit que son «cœur de cible, ce sont les bâtiments vides depuis plus de quatre ans». Il faudrait aussi, dans l'idéal, «pouvoir détecter ceux sur lesquels les propriétaires ne font plus aucun investissement».

Autre gros obstacle : les élus. Damien Robert raconte que les maires ont parfois du mal à accepter que des bureaux vides le resteront. «Ils tablent sur un retournement du marché…» soupire-t-il. Alors que même dans la meilleure des conjonctures, certains rossignols ne trouveront jamais preneur. En outre, les élus sont parfois réticents à avoir de nouveaux habitants qui génèrent des charges plutôt que des entreprises qui entraînent des recettes fiscales. Et le phénomène s'amplifie à l'approche des élections. A Charenton pourtant, les deux maires successifs ont appuyé l'opération.

La loi Elan a facilité les transformations mais le plus dur reste à faire : atteindre l’objectif gouvernemental de 500 000 mètres carrés transformés en 2022. Pas évident.

Modifié le23/05/2019 à 12h44.