Au nord, il y a encore des corons, et la Cité des électriciens à Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, en est un bel exemple. Inaugurée ce week-end, la cité minière, réhabilitée, abrite des logements sociaux, une résidence d'artistes et des gîtes pour touristes. Méconnaissable pour ceux qui se souviennent des maisons délabrées filmées dans Bienvenue chez les Ch'tis, à travers lesquelles le Nord colle à ses clichés, misérable et insalubre. La plus ancienne cité minière de la région, inscrite aux Monuments historiques, méritait mieux que d'être laissée à l'abandon. Elle a logé gratuitement dès 1861 ceux qui descendaient au fond. Puis, au fil des années, elle s'est dégradée, maisons murées, squattées. La société Soginorpa, devenue depuis Maisons & cités, qui gère 80 % des corons depuis la fin des houillères, n'a pas fait les travaux : la cité, construite sur d'anciennes carrières de craie, menaçait de s'affaisser.
Ce week-end, les gens sont venus nombreux, tous milieux mélangés, pour admirer la Cité des électriciens nouvelle manière, ainsi appelée à cause du nom de ses rues : Ampère, Edison, Faraday… «Les élus se sont retrouvés face à un paradoxe : une cité classée qu'on ne pouvait pas détruire, mais qui était en ruine», résume Isabelle Mauchin, directrice du lieu. Alors, ils ont mis les moyens, avec le soutien de l'Union européenne et des pouvoirs publics : 15 millions d'euros. Avec l'intelligence, souligne l'architecte Philippe Prost, d'avoir gardé des logements sociaux, sa destination première. Trois barreaux - le nom de ces lignées de maisonnettes identiques - sont restés propriété de Maisons & cités, qui les a restaurés. Les maisons, minuscules (une pièce au rez-de-chaussée et une chambre en soupente), ont été rassemblées pour agrandir les surfaces.
Léocadie, qui a habité les lieux «une dizaine d'années jusqu'en 1986», raconte : «C'était minable, insalubre, mais on était heureux. On devait faire chauffer l'eau pour la baignoire, mais on avait des rosiers dans nos jardins, et on s'entendait entre voisins.» La Cité des électriciens est une fabrique à souvenirs : une dame de 73 ans se remémore avec bonheur les glissades dans les rigoles gelées, qui servaient à l'évacuation des eaux usées en l'absence du tout-à-l'égout. Un couple reste figé devant le carrelage moucheté noir et blanc, le même que dans leur première maison. Danièle, 65 ans, qui y a également vécu, approuve la volonté de préserver ce patrimoine ouvrier, «nos tripes et notre enfance». Annick, 68 ans, résume ce sentiment complexe, entre nostalgie et dureté de vie : «Ici, c'est la mémoire de nous.»