Vincent Lambert va mourir. Son épouse, avec d'autres proches, le demandaient. Ses parents ne peuvent s'y résoudre. Ils ont lutté pendant dix ans, épuisant tous les recours, pour le maintien en vie de leur fils, plongé après un grave accident de voiture dans un état «pauci-relationnel». Cliniquement, Vincent Lambert n'est pas «en fin de vie». Il respire sans assistance, son organisme digère les aliments qui lui sont administrés par une sonde. Son cœur bat seul. Mais sa conscience est altérée par des lésions cérébrales irréversibles, qui l'empêchent évidemment d'exprimer une quelconque volonté de vivre ou de mourir. En 2015, la loi Claeys-Leonetti, qui encadre les difficiles débats sur la fin de vie, a fixé l'«obstination déraisonnable» comme limite au corps médical, sans céder au tabou de l'euthanasie qui reste, comme le suicide assisté, interdite en France. Une manière de ne pas réduire la vie à sa seule réalité biologique, et de permettre à une personne d'exprimer le souhait de voir ses souffrances abrégées. Mais Vincent Lambert n'avait, avant son accident, donné aucune directive anticipée. D'autres ont donc parlé à sa place, en premier lieu ses parents. Proches des milieux catholiques intégristes, ils ont plongé malgré lui leur fils dans une arène passionnelle mêlant morale et éthique, religion et politique. Ils ont mobilisé leurs réseaux, faisant de Vincent Lambert un martyr. Scientifiques, philosophes, politiques, institutions et tribunaux, toutes «les autorités», dans les deux camps, ont été convoquées. Une existence qui file sans pouvoir être vécue, est-ce encore être vivant ? Les médecins, de façon collégiale, ont fait le choix d'arrêter les traitements sans lesquels Vincent Lambert ne peut continuer à vivre. Une décision qui laisse une famille déchirée et une société divisée, mais conforme à la justice des hommes.
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