L'affaire Lambert est-elle révélatrice d'une faille, en l'espèce un flou, dans la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie adoptée en 2016 ? La situation aurait-elle été mieux gérée en Belgique ? C'est ce qu'affirme notamment Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité et pro-légalisation de l'euthanasie en France, qui loue une loi «claire» donnant notamment la priorité à l'expression du conjoint.
A lire aussi Vincent Lambert : questions de vie et de mort
«D'abord, il faut préciser que l'affaire Lambert n'a aucun rapport avec le suicide assisté ou le droit à l'euthanasie», estime Nicolas Hervieu, spécialiste de du droit européen et enseignant à Science-po Paris. Pour lui, le cas Vincent Lambert relève plus exactement du droit du patient à ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une «obstination déraisonnable». «Le médecin en charge du patient peut alors non pas donner la mort directement, mais procéder à l'arrêt du traitement et à une sédation profonde. Si le patient est conscient, on ne saurait se passer de son consentement. Si tel n'est pas le cas, soit il a laissé des directives anticipées et/ou une "personne de confiance" qu'en principe le médecin doit suivre.» Et sinon ? «Le médecin prend les commandes, après avoir consulté la famille et ses proches. La loi ne précise pas si l'avis des parents, par exemple, prime sur celui de l'épouse. Le médecin doit aussi recueillir l'avis de deux médecins extérieurs à l'hôpital où il exerce. Parler de "flou" de la loi n'est donc pas légitime. L'affaire Lambert est le premier cas à prendre une tournure aussi conflictuelle, parce que la famille se déchire. C'est un cas extrême.»
Comment la Belgique aurait-elle procédé ? Jacqueline Herremans, homologue belge de Jean-Luc Romero, membre de la Commission fédérale d'évaluation et de contrôle de la loi relative à l'euthanasie et du Comité consultatif de bioéthique en Belgique, analyse sans triomphalisme : «Dans une situation d'"état pauci-relationnel", deux hypothèses sont envisageables. Soit l'application de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, sur la base d'une déclaration anticipée d'euthanasie si le patient est atteint d'une affection grave et incurable, inconscient et en situation irréversible dans l'état actuel de la science, soit celle de la loi du 22 août 2002, portant sur les droits du patient et qui a pour principe d'être au plus près de la volonté du patient.» Si, comme Vincent Lambert, il n'a pas rédigé de déclaration de refus de traitements ? «S'il n'a pas désigné de mandataire, il peut être représenté dans l'ordre par son partenaire, marié ou non, cohabitant, à défaut par son ou ses enfants majeurs, à défaut par ses parents, à défaut par son frère ou sa sœur. Il est bien question de représentation, il ne s'agit pas de connaître l'opinion de ces personnes mais bien la volonté du patient.»
La Belgique a-t-elle gagné en sérénité sur l'épineux dossier de la fin de vie ? «L'adoption en 2002 de trois lois, euthanasie, soins palliatifs et droits du patient, a sans aucun doute constitué un tournant dans le droit médical et particulièrement pour les questions de fin de vie. Je ne veux pas peindre un tableau idyllique, mais toujours est-il que depuis l'entrée en vigueur de ces trois lois, la parole s'est libérée et nous parvenons à mieux nommer les choses. Nous ne confondons plus euthanasie, arrêt de traitement, administration de morphine et sédation. Si Vincent Lambert avait été soigné en Belgique [il a été en observation au Centre du coma à Liège en 2011, ndlr],l'éventuelle décision d'arrêt de traitements, après échec persistant pour établir une communication, aurait été prise avec son épouse. Cela n'aurait pas empêché que tout soit mis en œuvre pour arriver à une décision partagée.»