Menu
Libération
récit

Vincent Lambert : La fin des traitements, pas des recours

Vincent Lambertdossier
Le CHU de Reims a fait savoir lundi qu’il cessait d’hydrater et d’alimenter artificiellement le patient hospitalisé depuis 2008 après un accident de la route. Les parents, eux, continuent de multiplier les procédures pour tenter d’annuler la décision.
A Reims dimanche, lors de la manifestation de soutien aux parents de Vincent Lambert devant le CHU de la ville. (Photo Fred Kihn)
publié le 20 mai 2019 à 20h46

Mise à jour à 23 heures : la cour d'appel de Paris, saisie par les parents de Vincent Lambert, a ordonné lundi soir le rétablissement des traitements visant à le maintenir en vie, interrompus depuis lundi matin, jusqu'à ce qu'un comité de l'ONU se prononce sur le fond de son dossier.

Ce sera donc ni la paix ni encore le repos. Depuis lundi matin, c'est dans le brouhaha, l'agitation, la multiplication de déclarations péremptoires et un emballement médiatique malheureusement prévisible qu'a commencé l'arrêt des traitements de Vincent Lambert, comme l'avait annoncé la semaine dernière le Dr Vincent Sanchez qui a en charge cet homme, dans un état végétatif depuis bientôt onze ans à la suite d'un accident de voiture.

«C'est des monstres ! Des monstres ! C'est des nazis !» a lancé en larmes depuis une voiture Viviane Lambert, la mère de Vincent. «C'est une honte, un scandale absolu, ils n'ont même pas pu embrasser leur fils, a renchéri un de ses avocats. Le Dr Sanchez vient d'annoncer à la famille qu'il avait initié le processus de mort sans préavis, sans tenir compte des recours, sans tenir compte des mesures provisoires.»

«Parenthèse»

Dans un mail adressé lundi matin aux membres de la famille de Vincent Lambert, le Dr Sanchez a juste précisé que «l'arrêt des traitements et la sédation profonde et continue ont été initiés ce matin», ajoutant : «Dans cette période douloureuse, j'espère pour M. Vincent Lambert que chacun saura ouvrir une parenthèse et se rassembler, auprès de lui, afin que ces moments soient les plus paisibles, intimes et personnels possible.»

Plongé dans un état dit «pauci-relationnel», c'est-à-dire sans lien avec l'extérieur, Vincent Lambert était depuis des années nourri et hydraté artificiellement. Comme annoncé, les médecins ont donc arrêté ses perfusions, tout en mettant en œuvre une «sédation profonde et continue» jusqu'à sa mort. Tous les spécialistes des soins palliatifs précisent que Vincent ne ressentira pas la moindre sensation, ni de faim ni de soif. Cette procédure est très stricte, encadrée par la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui interdit l'euthanasie et le suicide assisté mais autorise l'arrêt des traitements en cas «d'obstination déraisonnable». Cette décision doit être prise par les médecins de façon «collégiale». C'est ce qui a été fait à Reims, à plusieurs reprises. Mais sa mise en application a été retardée par des recours judiciaires.

Aujourd'hui, peut-être en raison du trop long temps passé mais aussi du contexte électoral, tout dérape. Alors que la loi Claeys-Leonetti a été votée à la quasi-unanimité par le Parlement, l'histoire de Vincent Lambert, portée par une famille qui se déchire, a crispé peu à peu toutes les positions pour devenir désormais un combat : présage d'un monde «inhumain» contre droit à une «fin de vie digne».

Lundi, droite et gauche ont fait valoir des points de vue radicalement opposés. Ainsi, les têtes de liste de Les Républicains et du Rassemblement national ont réclamé la poursuite des traitements. «Est-ce que l'alimentation et l'hydratation sont des soins ? Si c'est le cas, nous sommes tous très malades», a jugé sur RTL François-Xavier Bellamy (LR). Tête de liste RN, Jordan Bardella s'est à son tour déclaré «choqué» par l'arrêt des soins.

«Conformité»

Sur la même affaire, en 2014, Marine Le Pen avait pourtant souhaité que «les lois et les institutions françaises aient le dernier mot». Si toutes les listes de gauche approuvent la décision du médecin de Reims, le président de la République, qui avait été interpellé par les parents de Vincent, a déclaré lundi qu'il ne lui «appartient pas de suspendre une décision qui relève de l'appréciation de ses médecins et qui est en conformité avec nos lois». Précisant sur Facebook : «La décision d'arrêter les soins a été prise au terme d'un dialogue permanent entre ses médecins et sa femme», qui est sa tutrice légale, et «en application de notre législation qui permet de suspendre les soins en cas d'obstination déraisonnable». Dans un tweet, le pape François a appelé lundi à protéger la vie : «Prions pour ceux qui vivent dans un état de grave handicap. Protégeons toujours la vie, don de Dieu, du début à la fin naturelle. Ne cédons pas à la culture du déchet.» On le voit, même ce dernier n'a pu éviter l'outrance.