Son histoire est devenue un emblème. Celui du rejet, de la haine, de la violence que subissent au quotidien les personnes trans. Le 31 mars, en marge d’une manifestation contre le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui se tenait place de la République à Paris, Julia, 31 ans, a été violemment prise à partie par plusieurs personnes. D’abord agonie de commentaires humiliants, elle est ensuite ébouriffée, puis frappée. La scène a été filmée et diffusée sur Internet.
L'un de ses agresseurs présumés, âgé de 23 ans, doit s'expliquer devant la justice ce mercredi. Arrêté le jour des faits, il avait été relâché, avant d'être de nouveau placé en garde à vue quelques jours plus tard. Selon son avocate, Me Mariame Touré, interrogée par l'AFP, le prévenu a «honte» et assure s'être laissé entraîner par un «effet de foule». «Il a été touché par l'immense dignité de la victime et il espère qu'elle acceptera ses excuses», a ajouté son conseil. Poursuivi pour «violences commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre», il risque jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.
«La tête haute»
Les images de l'agression de la jeune femme, mises en ligne par Lyès Alouane, militant de l'association Stop Homophobie, étaient devenues virales, et avaient suscité une vague d'indignation, de la part de politiques comme de militants associatifs. Julia, elle, a porté plainte et pris la parole dans de nombreux médias pour dénoncer cette transphobie quotidienne dont elle est victime. A Libération, elle a raconté début avril ce que les images ne montraient pas : trois hommes cherchant à l'empêcher d'accéder à la bouche de métro, l'insultant, lui touchant la poitrine, voire, pour l'un d'entre eux, exhibant son sexe. Et toutes les autres agressions verbales dont elle est régulièrement la cible.
Si elle se lançait dans ce marathon médiatique, disait-elle, c'est pour «montrer à ces ignorants que je sortirai de cette expérience la tête haute». Les ignorants : ses agresseurs. «Ils sont convaincus que je suis sortie habillée en fille pour provoquer, que j'ai choisi d'être différente. Alors que j'essaie simplement d'être moi-même.»
Dans son dernier rapport annuel, rendu public la semaine dernière, l'association SOS Homophobie qualifie l'année 2018 «d'année noire» pour les personnes LGBT et recense 210 cas de transphobie survenus l'année dernière, principalement des insultes (dans deux cas sur cinq), ainsi que des agressions physiques et/ou sexuelles (dans un cas sur dix). Selon le ministère de la Justice, en 2016 (dernières données complètes disponibles), 86 condamnations ont été prononcées pour des infractions commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, contre 54 l'année précédente, signe palpable d'une haine qui monte. Cinquante d'entre elles concernaient des atteintes aux personnes.