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récit

Vincent Lambert : après la décision de la cour d’appel, le poids des mots et le malaise

Vincent Lambertdossier
L’annonce de la reprise des traitements de Vincent Lambert, lundi soir, a suscité des réactions déplacées.
publié le 21 mai 2019 à 19h46

Le geste médical était simple. Les perfusions étaient maintenues pour permettre la sédation. Mardi matin, le docteur Sanchez du CHU de Reims, qui avait pris non sans courage ses responsabilités de médecin en arrêtant l’alimentation et l’hydratation, a dû obtempérer après la décision de la cour d’appel de Paris ordonnant le rétablissement des traitements pour maintenir en vie Vincent Lambert.

Choc

«C'est un retour en arrière sadique», a lâché François Lambert, le neveu de Vincent, qui se bat depuis six ans pour que la volonté de son oncle soit respectée. Effondré, comme Rachel, la femme de Vincent, qui se replie désormais dans un désarroi sans fin. Dans l'autre camp, on a manifesté sa joie, sans limite, l'avocat des parents du patient parlant de «victoire», de «remontada», comme s'il s'agissait d'un match de foot. Peu après, devant une foule de micros qui l'attendait devant l'hôpital Sébastopol de Reims où séjourne Vincent Lambert, l'avocat a confirmé : «Nous avons le plaisir de vous annoncer que le docteur Sanchez et le CHU ont remis en place l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert, et ont arrêté sa sédation continue.»

Des mots et le choc des images. La veille, lors de l'audience devant la cour d'appel, les avocats des parents sont allés jusqu'à montrer aux juges une vidéo présentée comme datant de dimanche. On y voit Vincent filmé de près et l'on entend sa mère répéter «Ne pleure pas», «on ne te lâche pas». A la suite de la diffusion de cette vidéo, les avocats de Rachel Lambert ont annoncé qu'ils allaient déposer plainte mardi pour atteinte à la vie privée.

Vincent Lambert est donc de nouveau nourri artificiellement. Que peut-il, dès lors, se passer ? La décision de la cour d'appel est provisoire, d'une durée de six mois. Le temps de permettre au Comité international des droits des personnes handicapées de l'ONU, qui avait demandé au médecin de surseoir sa décision, d'étudier le dossier. Après ? Tout peut se répéter. Les parents Lambert vont à nouveau demander un transfert de leur fils dans un autre hôpital, ce qui leur a été refusé trois fois par voie de justice. «On va profiter de ce répit judiciaire pour essayer de calmer le jeu, retrouver un peu de sérénité dans un sujet qui est complexe car il touche à l'humain», a déclaré le président du Comité consultatif national d'éthique, Jean-François Delfraissy.

Paradoxe

Un répit ? Rien n'est moins sûr. Mardi, la classe politique s'est montrée surprise, autant que divisée. «Je suis effectivement heureux de cette décision», a commenté sur Europe 1 François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes.«Qui suis-je pour juger ?» s'est interrogée Nathalie Loiseau sur BFM TV, tête de liste de la majorité. A l'Assemblée, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a appelé «chacun à remplir ses directives anticipées». Pour Manon Aubry (LFI), «le cas de Vincent Lambert montre les limites de la loi actuelle. Je pense qu'il faut aller plus loin». Et c'est là le paradoxe de l'ahurissant va-et-vient judiciaire que l'on vient de connaître : à force de ne pas appliquer la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, une nouvelle législation plus favorable à l'aide médicale à mourir pourrait advenir.