Une quarantaine de militants réunis par le mouvement écologiste Extinction Rébellion (XR), collectif international qui prône la désobéissance civile non violente face à l'urgence écologique, ont bloqué ce mercredi l'accès des camions à l'usine d'incinération de Passy (Haute-Savoie). Entre la quarantaine de gendarmes mobilisés et les manifestants, le jeu a duré des heures, dans le calme. Portés un à un sur le bas-côté de la route d'accès à l'incinérateur, les militants reprennent systématiquement leurs positions devant les barrières d'entrée… avant d'être déplacé de nouveau. «On croirait que ça vous plaît», grimace un gendarme en déposant pour la énième fois une militante. Elle rétorque, d'un ton las : «On ne fait pas ça par plaisir mais par nécessité !» Au moins trois militants sont évacués, menottes aux poignets.
«Rébellion ouverte»
L'usine est localisée au pied du Mont-Blanc, au cœur de la vallée de l'Arve particulièrement touchée par la pollution de l'air. Mis en service en 1995 par un syndicat intercommunal réunissant 20 communes, dont Megève et Chamonix, cet incinérateur traite 60 000 tonnes de déchets par an. Le syndicat assure que les fumées rejetées restent en deçà des limites réglementaires mais les écologistes locaux les désignent comme l'une des sources importantes de pollution de l'air, avec le trafic routier généré par le tunnel du Mont-Blanc : 1 700 poids lourds parcourent la vallée chaque jour. Extinction Rébellion avait d'ailleurs annoncé le blocage «d'un axe routier», avant d'opter pour l'incinérateur. La question des déchets est l'un des chevaux de bataille de l'association qui dénonce les risques sur la santé que font peser «les nanoparticules non soumises à contrôle présentes dans les fumées d'incinération».
Les militants sont jeunes pour la plupart, majoritairement venus de Chambéry, Grenoble ou Lyon, mais aussi de la Suisse toute proche. Anton, l'un des militants locaux, précise la démarche de XR : «Face au dérèglement climatique et à l'extinction du vivant sur laquelle est basé le système, nous entrons en rébellion ouverte. Nous faisons le lien entre les menaces à l'échelle globale et ce qui se passe ici. Nous ne sommes pas des extrémistes mais sommes prêts à assumer les conséquences juridiques de nos actes. Nous n'avons pas d'autre choix.»
Ballet
Plusieurs associations locales sont présentes et soutiennent le blocage. Michel, d'Action non violente COP21-Vallée de l'Arve, dont 7 militants seront jugés en juin pour décrochages de portraits d'Emmanuel Macron, est déterminé : «Nous soutenons XR et le mouvement de désobéissance civile. Nous montons en radicalité, parce que nous avons peur de l'avenir pour nos enfants.» Il y a aussi les mères de Coll'Air Pur, collectif à l'origine de 540 plaintes contre X déposées par des habitants de la vallée, récemment classées sans suite. «Nous agissons sur la voie légale, mais aujourd'hui, si je ne suis pas prête à partir en garde à vue, je soutiens XR. L'urgence est telle qu'elle justifie ces actions médiatiquement efficaces», résume Marie-Pierre.
Djamila, autre mère en colère, a la gorge nouée lorsqu'elle parle de ses enfants privés de sport et de récréation lors des derniers pics de pollution dans la vallée : «Nous sommes ici dans une zone sacrifiée. Nous voulons une nouvelle étude d'impact pour cet incinérateur qui traite des déchets lourds de toute la région. Cette action d'aujourd'hui est très importante : elle me remonte le moral et nous conforte dans notre combat.» Au-dessus de l'usine bloquée, sur le viaduc, le ballet des poids lourds se poursuit inlassablement.