«Par la porte ou par la fenêtre.» La violence de la formule n'a pas fini de nous interpeller. Il est utile de la rappeler pour comprendre la détermination qui animait Didier Lombard en 2005 pour atteindre l'objectif effrayant qu'il s'était fixé de supprimer en trois ans 22 000 postes sur les 120 000 que comptait alors France Télécom. Un salarié sur six, rien que ça… Héritage de l'ancien statut public de l'entreprise, la majorité des salariés ont le statut de fonctionnaire, empêchant la direction du groupe de conduire un plan social. La fin justifiant les moyens, c'est une stratégie managériale délétère qui va être menée via le plan «Next» («au suivant» en anglais). A défaut de pouvoir faire partir les salariés, faisons en sorte qu'ils partent d'eux-mêmes. La violence de la méthode va se révéler tragiquement efficace : la «logique d'éradication», fondée sur un harcèlement moral systématique, conduit des milliers de salariés à quitter l'entreprise. Des centaines d'autres ont plongé, eux, dans la dépression ou la souffrance chronique. Certains, dans 19 cas au moins selon la justice, n'ont pas supporté la pression et ont mis fin à leurs jours. Parmi les victimes, on trouve aussi certains des «managers». Car à France Télécom comme souvent ailleurs, c'est sur ces cohortes de la hiérarchie dite «intermédiaire» que l'essentiel du poids de la transformation de l'entreprise a reposé.
Il avait fallu des mois pour que se libère la parole. Des années pour que les responsables d’alors se retrouvent dans le box des accusés. Le temps a passé - presque dix ans - depuis le tragique été 2009, où les suicides s’égrenaient avec les semaines. La souffrance exprimée à la barre par les anciens salariés ou les médecins du travail reste intacte. Leur détermination que ce procès fasse date dans la lutte contre les violences au travail aussi.