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Libération
Reportage

Au Grau-du-Roi (Gard), avec les sympathisants du RN : «Cette fois, oui, il y a des chances pour qu’on arrive premiers»

par Sarah Finger, Envoyée spéciale au Grau-du-Roi (Gard)
publié le 24 mai 2019 à 20h56

Mardi, jour de marché au Grau-du-Roi, dans le Gard. Dans ce village de pêcheurs, le Rassemblement national (RN) a déjà réalisé quelques beaux coups de filet. Ici, Marine Le Pen est arrivée en tête des deux tours de l’élection présidentielle de 2017. Quelques semaines plus tard, cette circonscription gardoise envoyait l’avocat frontiste Gilbert Collard siéger à l’Assemblée nationale.

Pour autant, dans les allées de ce marché, entre les saucissons de taureau, les pots de crème à l'ail et les sacs de sel de Camargue, chacun préfère éviter de parler politique. «On a nos idées, on fera notre devoir, on ira voter. Dire pour qui on vote, ça nuit au commerce», lance une commerçante avant de se fermer comme une huître.

Mais lorsque les langues se délient, toutes confient la même chose : «J'ai toujours voté FN, raconte ainsi Jeannot, 89 ans, attablé à la terrasse d'un café. Et même si ma mère était une communiste engagée, je ne m'en cache pas : je serais même pour le vote à main levée !»

Assis à ses côtés, Daniel, 64 ans, esquisse un sourire complice ; tous deux travaillaient autrefois sur les marchés. Ils veulent bien parler politique, mais de celle d'hier. Ni l'un ni l'autre ne connaît le nom de la tête de liste du Rassemblement national pour ces élections européennes. Les débats télévisés ? Ils ne les regardent pas. Ces retraités sont persuadés d'une seule chose : «Les politiciens sont des voyous.»

André, 45 ans, les rejoint à la terrasse du café. Originaire du Vaucluse, il vient vendre sa charcuterie dans ce marché trois fois par semaine. André succède ainsi à son père qui occupait exactement le même emplacement, il y a près d'un demi-siècle. «Je vote FN depuis que j'ai 18 ans, affirme-t-il. Cette fois, oui, il y a des chances pour qu'on arrive premiers. Dans tous les villages autour de mon patelin, dans le Vaucluse, les gens sont mobilisés et iront voter.»

Pourquoi choisir l'extrême droite ? A l'image de Jeannot ou de Daniel, André ne souhaite pas s'expliquer. Tout juste lâche-t-il, du bout des lèvres : «Je pense que si le Rassemblement national s'allie avec d'autres mouvements européens, ça peut changer…» Changer quoi, exactement ? Il hésite : «Supprimer toutes les aides qui ne servent à rien.» On n'en saura pas plus : ici, le vote Rassemblement national se passe de commentaires.