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Européennes : Adhal Bara, Sarcelles-Bruxelles

Candidat sous l’étiquette du Mouvement pour l’initiative citoyenne, dont le programme propose comme seule mesure le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), le Val-d'Oisien Adhal Bara entend représenter les «quartiers populaires».
Adhal Bara à Sarcelles, le 20 mai. (Albert FACELLY/Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 24 mai 2019 à 15h57

Adhal Bara, en lice aux européennes, dit, debout dans un centre commercial de Sarcelles, dans le Val-d'Oise : «Je me suis fait baiser par la gauche.» Quinze minutes plus tard, il étaye, assis sur un banc de la ville : «En fait, c'est le Parti socialiste qui a baisé la gauche…» Et lui s'est retrouvé au milieu de l'orgie, après deux ans de flirt avec le PS, coupable à ses yeux d'avoir endormi les quartiers à coups de promesses non tenues et d'affreux clientélisme. Routine increvable : les histoires politiques en banlieue commencent souvent comme un DVD pornographique flanqué de la rose socialiste sur sa pochette.

Le bonhomme à lunettes de 40 ans, qui présente mieux que bien, est candidat sous l'étiquette du Mouvement pour l'initiative citoyenne (MIC), lequel ne propose qu'une seule mesure dans son programme : le Référendum d'initiative citoyenne (RIC), acronyme de l'année. Il justifie, au nom du MIC : «Les partis empilent des promesses sur leur programme qu'ils ne tiennent pas. En l'état, le RIC est la meilleure proposition possible.»

«Oui, coco»

Adhal Bara écrit, dans son SMS – celui qui déclencha notre rencontre – qu'il est «le candidat des quartiers populaires». Sur le banc, on a rétorqué «costume très large, non ?» et il a répondu que c'était moins costaud qu'il n'en paraît : il revendique de ressembler aux grands ensembles qu'il arpente pour ses aventures politiques. Lui : enfance à Sarcelles, père ouvrier, mère au foyer, famille de sept, diplômé d'une école de commerce et désormais cadre à Pole Emploi. «Oui, coco, ça existe dans les quartiers ! Les jeunes ont besoin d'exemples pour s'identifier et s'engager.»

Le bonhomme à lunettes est cinquième sur la liste MIC, dont le logo précise qu’il fut déjà pro-RIC aux européennes de 2009. Par ricochet, celui-ci sert de bouclier à l’accusation salace : le MIC n’est pas un vil proxénète venu récupérer l’un des totems des gilets jaunes.

A Sarcelles, l'abstention oscille généralement autour des 70% et ce chiffre pourrait prendre plus d'épaisseur encore dimanche tant les européennes portent les plus beaux attributs du scrutin abstrait. Ce qui donne au slogan de Bara des allures de fusée Ariane : «Un Sarcellois à Bruxelles, pour Sarcelles…»

Comment intéresser des jeunes des cités, l'une de ses cibles prioritaires, en commençant et terminant ses phrases par RIC ? Ou bien, comment convaincre une femme seule dans un logement insalubre avec un argument en trois lettres ? Il hoche la tête : «Je leur dirais que le centre du pouvoir est à Bruxelles, ce qui est vrai. C'est l'Europe qui impose. La politique budgétaire de la France se joue là-bas et s'ils sont mis sous perfusion, c'est parce qu'ils n'ont pas voix au chapitre.»

Il la dodeline : «Je ne vais pas vers les gens avec des solutions immédiates… Ce serait rentrer dans la logique clientéliste et politicarde traditionnelle. Le programme avec le RIC n'est pas de donner le poisson, mais d'apprendre à pêcher. Qu'est-ce qu'eux, en tant que citoyens, feraient pour améliorer la problématique de l'emploi et du logement ? Certes ne sont pas des experts. Mais les experts ont échoué.»

Grand nettoyage

Le MIC fera un score gringalet mais Bara regarde à côté : à son échelle, ce genre de scrutin doit servir à «rééduquer» les quartiers et semer l'idée d'un réveil. Le grand nettoyage, la toilette complète, la tonte à cause des poux : «Les grands partis ont tout ramené au consumérisme. J'ai déjà frappé à des portes où l'on me disait d'emblée "que pouvez-vous faire pour moi ?" Ça crée de l'attentisme.» Et : «Les gens en banlieue ont été habitués à l'assistanat. Mais la clé n'est pas là : ils ont plutôt besoin d'être accompagnés pour avancer seuls.»

Il a marché quelques fois avec les gilets jaunes. Sans trop insister, quand bien même il souscrit sur les grandes lignes, à commencer par le RIC et la hausse du carburant. Il ramène sa présence intermittente les samedis à la décence : il n'est pas démuni, ça va pour lui, difficile de surjouer chaque semaine. Il assure : «S'ils viennent chez nous, tant mieux évidemment mais on ne fait pas de campagne ciblée. Sur notre affiche, il n'y a aucune allusion aux gilets jaunes, même s'il y en a sur notre liste.» Admettons.

Vidéos en marcel

En 2017, le bonhomme aux lunettes s'était présenté aux législatives avec «A nous la démocratie», mouvement citoyen qui ne jurait que par le renouveau. Nouvelles têtes, non-cumul des mandats, fin des pontes en quasi-CDI, référendum pour bouger le citoyen. Bara, qui vota La France insoumise à la présidentielle : «Mais Macron a coupé l'herbe sous le pied de tous les mouvements qui parlaient de renouveau. Les gens étaient perdus…»

A l'époque, il se mettait en scène dans des vidéos sur Facebook. Il lui arrivait de parler citoyenneté en marcel, muscles de maître-nageur dehors, barre de tractions en arrière-plan. «Si c'était à refaire, je le referais. On nous a expliqué que la politique devait se faire en costume. C'est juste de la communication. Moi, je suis comme tout le monde. J'ai été sportif de haut niveau…» Il cite la boxe française et le muay-thaï.

Finalement, il terminera avec 1,03% des suffrages dans la circonscription de Sarcelles, loin derrière François Pupponi, le baron de la ville réélu. Routine increvable et pas qu’un peu : moult banlieusards ont le syndrome de Stockholm.