Menu
Libération
Euro data

Les résultats des européennes sont-ils des accidents électoraux ?

Entre l'élection nationale qui précède et celle qui suit, les élections européennes en France ne s'inscrivent pas toujours dans une séquence politique logique.
publié le 24 mai 2019 à 11h55

Dans l’exercice démocratique français, l’élection européenne est une des plus boudées. La participation est à la fois faible et en baisse depuis son introduction en 1979. S’inscrit-elle néanmoins dans la tendance des autres élections de niveau national ? Nous avons observé chacune des huit éditions pour voir si l’on pourra s’autoriser à surinterpréter sereinement le résultat du 26 mai.

Note méthodologique : nous avons retenu l'élection nationale précédente et la suivante dans le calendrier. Les élections au suffrage direct au niveau national (donc hors cantonales, municipales, sénatoriales). En général, il s'agit de la présidentielle ou des législatives, parfois des régionales et départementales.

1979, quatre forces tranquilles

Les équilibres des quatre grands partis de l'époque sont respectés entre les élections législatives de 1978 et l'élection présidentielle de 1981, avec juste une modification du rapport de force au sein de la droite. L'UDF passe de 21 à 28, le PS et alliés de 22 à 26, le RPR de 22 à 18, le PC de 20 à 15. Les premières européennes s'inscrivent parfaitement dans la dynamique des élections précédente et suivante, marquant toutefois un premier décrochage du PCF.

1984, éclosion du Front national

Les européennes de 1984 sont la première élection nationale à voir une percée du Front national, qui sera confirmée aux législatives suivantes. RPR et UDF totalisent ensemble ou séparément toujours un peu plus de 40%. A gauche, le PS au pouvoir se prend une première claque avant de perdre les législatives deux ans après qui mèneront à la première cohabitation. L'érosion progressive de l'électorat du PC se poursuit d'une élection à l'autre.

1989, l’écologie entre en scène

La droite et le centre se divisent au moment des élections européennes. Après la percée du FN en 1984, c'est le parti écologiste qui est la révélation des européennes 1989. Elle se confirme aux régionales avec cette fois deux listes concurrentes qui font chacune 7%. Parallèlement, le PS s'effondre d'abord aux européennes puis aux régionales. Le FN progresse lentement, à l'inverse du PC qui s'éteint à petit feu d'une élection à l'autre dans cette ambiance de fin de guerre froide.

1994, le PS se prend les pieds dans Tapie

Le PS confirme la déroute des législatives 1993 qui ont abouti à la seconde cohabitation de la Ve République. Aux européennes, il est en plus plombé par la liste MRG menée par Bernard Tapie qui capte 12% des voix. Mais à l'élection suivante, Tapie a disparu et Jospin arrive en tête du premier tour de la présidentielle. La droite et le centre tournent autour de 39% dans les trois élections selon les alliances. Le PC stagne largement sous les 10%. Le FN en baisse aux européennes bat son record à la présidentielle avec 15%. Bref, ces européennes 1994 sont un ovni dans la séquence électorale de l'époque.

1999, émiettement de la gauche plurielle, droitisation des droites

Des régionales 1998 à la présidentielle 2002, la gauche plurielle au pouvoir se délite jusqu'à l'élimination de Jospin au premier tour le 21 avril 2002, plombé par les scores de ses alliés (MDC, PRG, Verts). Les écolos ont connu encore un gros score européen (9,72) avant de retomber à 5%. Le FN a faiblement progressé entre les régionales 98 (14,94) et le premier tour 2002 (16,86) en connaissant entretemps une chute spectaculaire aux européennes à cause de la scission entre Le Pen et Mégret et du succès de la liste RPF-MPF. Cette dernière a également fait voler la droite en éclat (Villiers et Pasqua transfuge UDF et RPR) arrivant devant les listes des partis dont ils sont issus. Mais le mouvement de Pasqua et Villiers n'est pas présent à la présidentielle suivante où RPR et FN reviendront triomphants en qualifiant leurs candidats respectifs pour le 2e tour. Les européennes témoignent de l'éparpillement des candidatures à gauche, mais ne préfigurent pas de la montée du FN.

2004, le retour contrarié de la gauche

Le séisme de 2002 a remobilisé les partis traditionnels pour les élections suivantes. En 2004, la gauche avance souvent unie aux régionales et remporte quasiment toutes les régions. Dans la foulée, le PS s'impose même seule aux européennes. La défaite à la présidentielle vient contredire ce retour en grâce. A droite l'UMP et l'UDF connaissent un creux aux européennes avant de faire carton plein à la présidentielle. La victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 vient casser le cycle de victoires du PS.

2009, parenthèse écolo

L'UMP ultra-puissante de 2007 s'effondre passant de 39 à 26% des législatives 2007 aux régionales 2010. Aux européennes, le PS se fait presque doubler par le nouveau parti écolo EELV avant de reprendre très largement la main aux régionales 2010. L'UDF devenue Modem s'enfonce lentement. Quant au FN, les européennes confirment ses faibles scores du début de l'ère Sarkozy jusqu'au retour en grâce des régionales 2010. Les européennes 2009 voient apparaître le mouvement du Front de gauche qui s'installe tranquillement. Le score historique des écolos aux européennes est légèrement moindre aux régionales.

2014, l’affirmation du FN

Les européennes 2014 voient pour la première fois le FN (de Marine Le Pen) dépasser les 20% et même arriver premier de l'élection, préfigurant les scores des départementales 2015, des régionales 2015 de la présidentielle 2017. Les 8,95% des écologistes aux européennes sont le dernier soubresaut du parti écologiste dans une élection nationale, avant de quasiment disparaître des scrutins. Même constat pour le Modem qui atteint presque 10% aux présidentielle et européennes et est inexistant par ailleurs. Le PS au pouvoir se délite aux européennes et aux départementales.

Et 2019, vers un duel En Marche-Rassemblement national ?

La recomposition du paysage politique autour d'Emmanuel Macron agrège au moment des législatives une partie du PS, le Modem et une partie de l'UMP dans la République en marche. A la présidentielle 2017, le candidat En Marche a obtenu 24%, la candidate FN 21,3%, devant le représentant de Les Républicains à 20% puis de La France insoumise à 19,6%. Ce quatuor de tête sera-t-il le même ce dimanche ? Et dans quel ordre ?