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Libération
EDITORIAL

Caciques

publié le 3 juin 2019 à 21h06

Au vu de son score aux européennes, on comprend que Laurent Wauquiez avait deux problèmes. Soucieux de ne pas s'asseoir entre deux chaises, celle du conservatisme pur et dur et celle du libéralisme mollasson, il avait choisi celle de droite. Mais c'était un tabouret : adieu espoir de fauteuil élyséen. Soucieux d'affirmer sa ligne, il la défendait avec une force de conviction sans faille. Mais on le soupçonnait de ne pas y croire néanmoins, lui qui avait préalablement théorisé l'usage extensif du «bullshit» médiatique à destination d'un public de gogos ; les gogos sont partis ailleurs. Voilà qui faisait beaucoup pour un seul homme : il a été contraint au retrait, ce qu'il a accepté avec une dignité incontestable. Brûlant soudain ce qu'elle avait adoré par calcul, la droite jure qu'on ne l'y reprendra plus. Ses caciques veulent désormais poser leur auguste séant sur les deux chaises négligées par Wauquiez. L'ennui, c'est qu'elles sont maintenant nettement plus écartées, l'une proche du RN, l'autre d'En marche. Ils risquent de s'asseoir dans le vide, position inconfortable. Cette situation n'est pourtant pas nouvelle dans la longue histoire de la droite. Toujours elle a été partagée entre durs et mous, conservateurs cocardiers et libéraux centristes, bonapartistes et orléanistes. Chirac, puis Sarkozy, mous et durs à la fois, avaient réussi à transcender ce dilemme, grâce à la mystique du chef. On dit que la droite doit retrouver des idées. C'est surtout un homme - ou une femme - qui lui manque. Wauquiez n'a pas su endosser le costume. Qui peut le faire ? Bertrand le Nordiste ? Pécresse reine d'Ile-de-France ? Baroin, vieux bébé Chirac à la voix d'or ? Tous restent sur la réserve. En attendant, c'est un comité qui devrait prendre la suite et dessiner le futur projet. Mais on connaît l'aphorisme. Qu'est-ce qu'un dromadaire ? Un cheval dessiné par un comité.