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Libération
Décryptage

Trou d’air chez LR

Branle-bas de combat au sein du parti Les Républicains après la démission de Laurent Wauquiez dimanche soir, Gérard Larcher, en pompier, réunit ce mardi à huis clos les présidents des groupes parlementaires, de région, ainsi que les poids lourds de sa famille politique.
Gérard Larcher, le 1er septembre. (Photo Iorgis Matyassy)
publié le 3 juin 2019 à 21h06

Tout un symbole. Mercredi, au cours d'un dernier pot offert aux permanents du parti, Laurent Wauquiez, démissionnaire, passera le flambeau à Jean Leonetti, médecin cardiologue et… spécialiste des questions de fin de vie. En tant que vice-président délégué et président du conseil national de LR, le maire d'Antibes va en assurer la présidence. Simple intérim. Mais alors que le parti de droite vit une crise historique, même cette transition ne fait pas l'unanimité. Eric Woerth, président de la commission des finances à l'Assemblée nationale plaide depuis dimanche pour la mise en place d'une direction collégiale. Puisque «l'avenir de Les Républicains est évidemment collectif, tout le monde doit avoir sa place».

Alors que les statuts prévoient qu'un nouveau président soit élu dans un délai «de cinquante jours au moins et soixante-cinq au plus sauf cas de force majeur», le maire de Meaux et ancien patron de l'UMP, Jean-François Copé, juge, lui, qu'«il n'y a pas urgence face au malaise au sein du parti. On peut se donner quatre ou cinq mois avant de se lancer tête baissée dans de nouvelles élections». Soulignant que moins le parti se mêlera des municipales, mieux ce sera, il ajoute : «La question […] dans l'immédiat, c'est que fait-on avant que LREM ne nous achève sur place ?» Pour le député et deuxième vice-président de LR, Damien Abad, «il faut éviter l'hémorragie militante et des élus locaux, ceux qui sont tentés soit par La République en marche soit par le Rassemblement national».

Des initiatives tous azimuts

Gérard Larcher, le président du Sénat, fut le premier à sortir de sa réserve dans la foulée de la claque de LR aux européennes. Devenu l'homme qui bouscule la droite, épaulé par le président du groupe au Palais du Luxembourg, Bruno Retailleau, il a convié mardi les présidents des trois grandes associations d'élus (maires de France, des départements et des régions), les présidents des deux groupes parlementaires (Christian Jacob et Bruno Retailleau, donc) pour réfléchir aux moyens d'éviter «la désintégration de la droite et du centre». Pour lui, «la reconstruction n'est envisageable qu'à travers la reconquête des territoires». Parole de président du Sénat, inquiet de voir un peu partout sur le territoire des maires LR rejoindre les rangs de LREM ou envisager des alliances avec la majorité aux municipales de 2020 - de quoi mettre en danger la majorité sénatoriale de droite.

Mardi également, onze jeunes députés LR, des miraculés de la débâcle de 2017, menés par l'élu du Lot Aurélien Pradié lanceront officiellement leur «comité de renouvellement» de LR, qu'ils souhaitent voir reconnu par les statuts du parti à l'instar du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France. «Nous voulons en revenir aux fondamentaux d'une droite gaulliste et sociale et faire respirer ce mouvement. Je suis convaincu que LR survivra à cette nouvelle épreuve. A condition de mener une bataille de générations face à LREM qu'une partie des cadres de LR ne peut pas mener», assure Aurélien Pradié. Et de lancer que son parti doit devenir «un outil d'émancipation d'une génération de droite qui doit pouvoir porter des valeurs ancrées dans la modernité».

Le fantasme d’un retour à l’UMP

Autour de Gérard Larcher, tous partagent au moins un mot d'ordre commun celui de rouvrir LR au centre pour tenter de retrouver une assise électorale plus large. «Il faut imaginer des structures différentes, poser quelques conditions pour le prochain président du parti s'il y en a un et surtout quelle que soit la forme de ce parti, penser à le réélargir aux centristes», a précisé Jean-François Copé. Bref une manière de refonder l'UMP et son alliance de la droite et du centre. Sauf qu'une partie du centre, avec le Modem de François Bayrou, appartient pleinement à la majorité présidentielle et qu'une autre, avec l'UDI de Jean-Christophe Lagarde, ne veut pas se remettre sous la coulpe de la droite. Seul Hervé Morin, patron du parti Les Centristes et président de la région Normandie, s'est dit favorable à un retour à cette «sainte alliance». Il était déjà colistier de LR lors des dernières européennes, avec le succès qu'on sait… L'équation pour le parti de la rue de Vaugirard est d'autant plus complexe que sans même parler du centre, la droite dite modérée - notamment les juppéistes d'Agir - a largement mis les voiles.

«Poser la question, c'est déjà voir se profiler le spectre d'une guerre des chefs en interne», met en garde un des jeunes députés du «comité de renouvellement». Avec son mouvement Libres ! et sa position de principale opposante à Laurent Wauquiez au sein du parti, Valérie Pécresse pourrait prétendre à la présidence de LR. Tout comme le filloniste Bruno Retailleau, à la tête de Force républicaine qui représente un courant non négligeable au sein de LR. Guillaume Peltier, le jeune député du Loir-et-Cher qui ambitionne de fédérer le courant populaire se verrait également bien faire le job. Mais nombreux sont ceux qui, au sein du parti, ont les yeux tournés vers le patron des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui a quitté LR quand Wauquiez en a pris les rênes. A ce titre, celui qui apparaît dans les sondages comme le meilleur présidentiable pour la droite, ne participera pas à la réunion organisée par Larcher. Le président du Sénat fera donc cette semaine le déplacement pour s'entretenir avec lui. C'est ce qui s'appelle mettre les formes.