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Loyers

«Appel de Lyon» : un logement abordable à tout prix

La cherté des loyers dans les métropoles est au cœur des débats du Festival international du logement social, qui se tient jusqu’à samedi. Ses organisateurs lancent un «appel» en faveur d’une politique rénovée de l’habitat social, réclamant une mobilisation de l’Union européenne.
«Les ménages européens consacrent 24 % de leurs revenus au logement», pointe Cédric Van Styvendael, président de Housing Europe et co-organisateur du festival (Photo Florisse et Germain)
publié le 5 juin 2019 à 20h46

Question : comment fait-on pour vivre et travailler dans une capitale quand le prix de la location d’un 2 pièces correspond à son salaire net mensuel ? Et que faire quand le loyer vampirise la moitié du revenu, y compris lorsque l’on accepte de s’éloigner à 20, 30 ou 40 km de la ville centre et de son lieu de travail ? Le sujet du logement cher n’est pas propre à Paris. Au cours des vingt dernières années, les loyers ont beaucoup progressé en Ile-de-France, mais aussi dans la plupart des capitales régionales, où affluent les actifs, l’économie mondialisée se développant dans les grandes métropoles.

«Réinventer un modèle»

Les autres pays européens sont confrontés à des situations analogues. A Barcelone, un syndicat de locataires s'est créé pour combattre les loyers élevés. Des habitants de Lisbonne et Porto ont manifesté pour protester contre la gentrification de leur ville : la hausse des loyers ne permet plus aux couches populaires d'y vivre. A Berlin, un rassemblement contre la flambée des prix du logement a rassemblé près de 40 000 personnes en avril. Et une pétition demande désormais l'organisation d'un référendum pour exproprier les grosses sociétés immobilières qui détiennent des logements dans la capitale allemande. Les voyants du logement sont au rouge dans toute l'Europe. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les politiques libérales marquées par une cession massive de logements sociaux au privé ont asséché l'offre de locations à bon marché dans les grandes villes, où les couches populaires et moyennes peinent de plus en plus à trouver un habitat adapté à leurs besoins et à leur budget.

Cette problématique du «logement abordable» est au centre des débats, au Festival international du logement social qui se tient à Lyon jusqu'au 8 juin. «Tous les acteurs de l'habitat doivent se mobiliser pour réinventer un modèle dynamique et vertueux du logement abordable», indique le «manifesto» de ce colloque qui rassemble plusieurs milliers de personnes : bailleurs sociaux, élus de grandes villes, urbanistes, universitaires, associations de locataires…

Lors de l’ouverture du festival, mardi, était également présente Leilani Farha, rapporteure spéciale des Nations unies sur le logement. Mi-avril, au terme d’une visite de plusieurs jours en France, elle avait épinglé la politique hexagonale sur la question des sans-abri et sur celle du logement insalubre. Quelques mois plus tôt, en novembre, le drame de la rue d’Aubagne - où un immeuble s’est écroulé sur ses habitants, faisant 8 morts - avait révélé l’étendue du délabrement du parc locatif privé marseillais. En 2015, un rapport de l’inspecteur général de l’administration du développement durable, Christian Nicol avait estimé à 40 000 le nombre de logements insalubres à Marseille. Des logements dangereux, parfois loués à des prix supérieurs au marché, parce que leurs occupants n’ont pas d’autre choix.

«Premier poste de dépense»

Un exemple qui illustre la nécessité de relancer le logement social, estiment les organisateurs du festival (1) qui ont lancé l'«Appel de Lyon» visant à promouvoir «une société du logement abordable». Et puisque la crise touche la plupart des pays européens, ils sollicitent l'UE pour qu'elle s'engage dans ce dossier, d'autant que le nouveau Parlement vient d'être élu. «Les ménages européens consacrent en moyenne 24 % de leurs revenus au logement. Et un ménage sur dix plus de 40 %, pointe Cédric Van Styvendael, président de Housing Europe et co-organisateur du Festival. Pour tous, c'est le premier poste de dépense.»

L'«Appel de Lyon» demande au Parlement européen et à la prochaine Commission qui va être désignée dans quelques mois d'«adopter un plan pour le logement social et abordable 2019-2024». L'UE «ne peut accepter le sous-investissement en infrastructures publiques qui marque cette décennie d'après-crise, ni l'augmentation de 70 % des personnes sans-abri dans les villes européennes».

L'«appel» estime donc nécessaire l'organisation «d'un sommet européen du logement» pour examiner une série de propositions permettant d'améliorer la situation. Avec la création d'un «fonds européen d'investissement dédié au logement social et abordable […] pour soutenir et accompagner les investissements» réalisés par les villes et les Etats dans ce domaine. Autres propositions : la mise en œuvre effective d'actions pour aider au logement des sans-abri, et la consolidation du cadre juridique du logement social afin de le protéger en tant que service d'intérêt économique général.

(1) L'Union sociale pour l'habitat (qui fédère tous les organismes de HLM), Housing Europe (qui regroupe les bailleurs sociaux européens), la Métropole de Lyon et l'Association des organismes HLM Auvergne-Rhône-Alpes.