Ils ne sont pas nombreux à avoir fait le déplacement au tribunal correctionnel de Paris pour apporter leur soutien à Eric Drouet, jugé pour «port d'arme prohibé» et «participation à un groupement en vue de violences». Interpellé par les forces de l'ordre lors de l'acte VI des gilets jaunes, le 22 décembre, le chauffeur routier de 34 ans, devenu un des leaders du mouvement, se trouvait en possession «d'une matraque en bois avec une lanière artisanale».
Entouré de quelques amis, le visage fermé et les bras croisés, le prévenu est arrivé accompagné de son avocat Khéops Lara. A ses côtés, d’autres gilets jaunes comparaissent pour violences volontaires et dégradations de biens publics. Ce n’est pas la première fois qu’Eric Drouet doit faire face à la justice : en mars, il a déjà écopé d’une amende de 2 000 euros pour l’organisation sans déclaration préalable de deux manifestations, décision dont il a fait appel.
«Un mot pompeux»
«Monsieur le juge, ce n'est pas un homme que vous allez juger aujourd'hui. Vous allez clairement juger le mouvement des gilets jaunes», attaque d'emblée Me Lara, très vindicatif, qui commence sa plaidoirie par des accusations graves à l'encontre du parquet. L'avocat évoque des perquisitions, des auditions, des gardes à vues ayant pour seul but de porter atteinte au mouvement en s'attaquant à l'une de ses figures phares. «La procédure pénale a été détournée. C'est inadmissible dans un état de droit !» poursuit le conseil d'Eric Drouet, avant de dénoncer un acharnement judiciaire et «une plaisanterie» autour de ce qu'il qualifie de «grigri». Ce terme, il va l'employer pour évoquer l'arme détenue par son client. «Il s'agit ni plus ni moins d'un bout de bois, un souvenir de son père qu'il garde en permanence dans son sac.» Puis, s'adressant au procureur, il ajoute sourire aux lèvres : «Matraque est un mot pompeux pour un simple morceau de bois.» Pour justifier la nullité de la procédure, l'avocat demande la diffusion d'une vidéo enregistrée le jour de l'interpellation, qui témoignerait des intentions de son client : défiler pacifiquement.
Au cœur de sa plaidoirie, le mouvement des gilets jaunes, toujours, et la liberté de défiler. «Qu'est-ce qui justifie que ces citoyens, qui sont passés devant vous, Monsieur le juge, soient interdits de manifester à Paris ?» Les bras levés, l'avocat parle de «justice instrumentalisée dans l'objectif d'intimider un mouvement, de le décrédibiliser».
«Le procès du parquet»
C'est alors que la salle 403 du tribunal plonge dans la pénombre pour permettre le visionnage des images de la défense. Neuf minutes durant lesquelles on peut voir le prévenu, entouré d'autres gilets jaunes, «parqués» par les CRS. L'image s'agite et des insultes fusent lorsque le leader du mouvement est interpellé par les forces de l'ordre, «sans motifs, ni raisons valables» selon son avocat. L'absence de flagrance est alors soulevée par la défense. A l'appui, un procès-verbal qui ne mentionne pas le matricule de l'OPJ et une fouille intervenue «sans qu'aucun indice susceptible de prouver la dangerosité de M. Drouet n'apparaisse».
Soucieux de recadrer le débat autour des accusations portées à l'encontre d'Eric Drouet, le procureur s'agace : «Maintenant que l'on a fait le procès du parquet, je tiens à rappeler que les magistrats font leur travail dans les meilleures conditions possibles et dans le respect de la loi.» A l'issue de ses réquisitions, le magistrat requiert une peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende. «M. Drouet est venu à cette manifestation sans qu'elle soit déclarée préalablement, armé. Or lorsque l'on vient avec une arme, on est dans une logique de violence.» Une sanction démesurée pour la défense. «Je vous demande de relaxer mon client de cette affaire démente, conclut Me Lara, indigné. L'audience a été mise en délibéré au 4 septembre.