On ne peut pas dire que le gouvernement ait été pris de court par le mouvement des urgentistes. Depuis le temps que ces services tirent la sonnette d'alarme, plus aucun citoyen et a fortiori plus aucun politique ne peut dire qu'il ne savait pas. Il suffit d'ailleurs de se rendre un soir au service des urgences de l'hôpital le plus proche pour comprendre l'ampleur des dégâts : les personnels sont surchargés et les lits insuffisants, les malades en sont souvent réduits à attendre dans un couloir sur un brancard de fortune, même s'ils sont dans un état critique. La réaction de la ministre de la Santé face à la colère de la profession est à cet égard désespérante. On ne répond pas à la détresse en proposant une énième mission. On ne conseille pas à des personnels au bout du rouleau d'attendre que la réforme du secteur se mette en place, à l'horizon… 2022. Certes, pour une fois qu'un ministre n'est pas gouverné par la dictature de l'instant et se projette dans l'avenir, on ne va pas l'accabler. Mais le drame, c'est qu'Agnès Buzyn ne puisse réformer un système manifestement à bout «et en même temps» répondre à l'urgence, ce «pressant avenir immédiat» disait le philosophe Vladimir Jankélévitch. La fameuse réforme Buzyn, qui consiste à désengorger les hôpitaux, notamment les services d'urgence, en améliorant l'accueil des patients en ville et en créant davantage de maisons de santé dans les zones rurales afin d'attirer des médecins pour l'heure rebutés par l'isolement, va dans le bon sens. Si elle ne vise pas à privatiser progressivement le secteur de la santé. Mais ce n'est pas ça qui va régler la période de transition actuelle. Si l'Etat ne dégage pas très vite des moyens supplémentaires et si une vraie solidarité ne s'installe pas entre les médecins de diverses disciplines, les urgences ne s'en sortiront pas. Et l'on n'ose même pas imaginer la survenue d'une épidémie ou d'une période de canicule.
Éditorial
Désespérant
publié le 10 juin 2019 à 20h06
Dans la même rubrique