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Sexisme au site Franceinfo : deux journalistes licenciés

Ces deux cadres du site d'information de France Télévisions étaient accusés d'avoir permis et entretenu une ambiance sexiste au sein de la rédaction.
Paris, le 13 juillet 2017. Illustration sur les médias en France. SUR LA PHOTO: Consultation du site en ligne de France Info, offre d’information globale de service public. COMMANDE N° 2017-1063 (Photo Cyril Zannettacci pour Libération)
par David Perrotin et Paul Aveline
publié le 11 juin 2019 à 17h41

Ils devaient être mis à pied, ils seront finalement licenciés. L'un pour «insuffisance managériale», l'autre pour «faute simple», selon une source proche du dossier. Thibaud V., rédacteur en chef du site de Franceinfo et son adjoint Bastien H. étaient déjà sous le coup d'une suspension temporaire après une enquête interne menée par la direction du site. Mais les révélations de Libération montrant que les deux journalistes avaient permis et entretenu une ambiance sexiste au sein de la rédaction ont contraint la direction à durcir les sanctions. Elles ont été annoncées ce mardi à l'ensemble des personnels du site, lors d'une réunion menée par la direction des ressources humaines.

En avril, une vingtaine de journalistes du site d'information de France Télévisions (contacté, le groupe n'a pas souhaité faire de commentaires) avaient raconté à Libé les remarques et comportements sexistes qui émaillaient le quotidien de leur rédaction. Un journaliste, Nicolas E., avait déjà été licencié après avoir été mis en cause par deux collègues pour des faits d'agression sexuelle. Il était notamment accusé d'avoir embrassé sans son consentement une journaliste.

L'enquête interne menée par la direction du site avait mis en lumière les soutiens dont il avait bénéficié, et l'apparente passivité de ses supérieurs face à la gravité des faits qui lui étaient reprochés. La direction avait finalement décidé de rouvrir l'enquête et de la confier à un cabinet extérieur expert en «crise humaine», Interstys, qui a rendu ses conclusions ce mardi aux employés du site. Si la direction tient à garder les conclusions de ce rapport confidentielles, il est d'ores et déjà établi que les deux chefs de la rédaction, qui n'étaient pas revenus travailler depuis leur mise à pied, ne retrouveront pas leur poste.

«Un collectif atomisé»

Thibaud V., rédacteur en chef initialement mis à pied pour «manquements dans la réaction hiérarchique», a d'ailleurs envoyé un mail dans la matinée à ses anciennes équipes les informant de son licenciement. L'enquête interne et les témoignages recueillis par Libération avaient montré qu'il avait été averti des accusations d'agression sexuelle portées contre Nicolas E. mais n'avait pas réagi. Pire, selon l'Express, il avait adressé des «messages graveleux» à l'une des journalistes venue se plaindre des comportements de son collègue. De son côté, Bastien H. était pointé du doigt pour avoir installé une «ambiance de boys club» au sein de la rédaction. Plusieurs journalistes l'avaient notamment vu montrer sur un trombinoscope des élèves de l'école de journalisme de Lille, les jeunes femmes qu'il jugeait «baisables» ou «pas baisables».

Depuis la publication de ces informations, l'ambiance s'était considérablement dégradée dans la rédaction du site d'information, certains évoquant «un collectif atomisé». «Il y a ceux qui ne savaient rien ou presque et qui sont tombés de l'armoire, et ceux qui estimaient qu'on n'avait pas à parler à l'extérieur et que ceux qui l'ont fait sont des traîtres», expliquait un journaliste, qui déplorait, sous couvert d'anonymat, une ambiance de «chasse aux sorcières» en interne. Des groupes de parole et un séminaire sont désormais prévus pour «reconstruire le collectif».

*Article mis à jour le 11 juin à 18h30, avec correction sur le motif des licenciements.