«Respect du bicamérisme» et «grande considération» pour le Sénat : ces beaux principes républicains ont conduit Edouard Philippe devant la Haute Assemblée, jeudi matin, pour une nouvelle déclaration de politique générale, après s'être livré au même exercice mercredi devant les députés. Rien n'y obligeait en effet le Premier ministre, dont la voix ne semblait pas tout à fait remise du long discours de la veille, pas plus qu'à solliciter après coup la confiance des sénateurs, qui la lui ont prévisiblement refusée.
Devant l'organe représentatif des collectivités, Edouard Philippe a surtout précisé les réformes territoriales à venir, un point qu'il avait laissé de côté la veille, à l'Assemblée. «Sans les élus locaux, la démocratie n'est qu'une coquille vide», a déclaré Edouard Philippe, soucieux d'améliorer dans le second acte du quinquennat les déplorables relations avec eux qui avaient marqué le premier.
Pénurie
Premier texte à l'horizon : un projet de loi «Engagement et proximité», censé résoudre la crise des vocations municipales et simplifier la vie des édiles. Aux municipales de 2020, «pour la première fois, de nombreuses listes seront peut-être incomplètes et parfois nous manquerons de candidats», a regretté le Premier ministre. Un effort de «formation, de protection juridique, d'accompagnement professionnel et familial» doit faciliter la vie des élus ou de ceux qui veulent l'être. De même qu'un «renforcement des pouvoirs de police du maire» et «la suppression d'obligations et de contrôles parfois superflus».
Alors que de nombreux «petits maires» se sentent dépossédés de leurs compétences par les intercommunalités, le texte devrait aussi améliorer leur représentation dans ces instances, voire simplifier les moyens d'en sortir. Le projet de loi, porté par le ministre Sébastien Lecornu, sera présenté d'ici fin juillet. Son examen, qui comme pour tous les textes portant sur les collectivités débutera au Sénat, commencera «dès la rentrée».
«Qui décide paye»
C'est aussi en juillet que débuteront les travaux préparatoires à un nouvel «acte de décentralisation», c'est-à-dire de transfert de compétences aux collectivités locales : les domaines «du logement, des transports, de la transition écologique» ont été évoqués par Edouard Philippe. La ministre Jacqueline Gourault doit consulter en juillet les associations d'élus, et le dialogue se poursuivra à la rentrée, autour des préfets, dans chaque région. Un projet de loi sera ensuite présenté «à la fin du premier semestre 2020», avant les élections régionales et départementales de 2021. Le texte élargira aussi, pour les collectivités, les possibilités de déroger au droit commun.
D'ici là, le prochain budget aura précisé les conditions de compensation pour les communes de la taxe d'habitation, qui doit disparaître en 2020 pour 80% des contribuables, et d'ici 2023 pour les autres. La refonte à venir de la fiscalité locale doit rendre celle-ci plus simple, a annoncé Edouard Philippe, mais aussi responsabiliser les élus locaux : «Qui décide paye, qui paye commande, qui commande assume», a-t-il prévenu les sénateurs.
Le chef du gouvernement a enfin confirmé une action «tous azimuts» de déconcentration, c'est-à-dire de renvoi, vers les services territoriaux de l'Etat, de procédures actuellement traitées par l'administration centrale. «D'ici la fin d'année, plus de 95% des décisions individuelles seront effectivement prises dans les territoires», a-t-il promis, reprenant les termes d'une circulaire récemment adressée aux membres du gouvernement.