En novembre, la ministre de la Justice avait annoncé, à la surprise générale, qu'elle souhaitait réformer la justice des mineurs et, pour ce faire, procéder par ordonnances. Si Nicole Belloubet n'est pas la première à vouloir simplifier le texte de 1945 considéré comme illisible (il a été réformé 39 fois) et qualifié de «millefeuilles législatif» – avant elle Christiane Taubira ou Jean-Jacques Urvoas ont eu la même ambition – le procédé a été vivement décrié. Pour tenter de gommer l'idée d'un passage en force avec une mise à l'écart du Parlement, une phase de consultation a ainsi été lancée ces derniers mois avec des questionnaires aux professionnels de la justice, des réunions avec des parlementaires et des rencontres avec magistrats et avocats. Finalement, ce jeudi, la ministre de la Justice a révélé les grands axes de son futur projet de réforme dans une interview à France Inter et à la Croix. Le texte définitif sera présenté en Conseil des ministres autour du 15 septembre et n'entrera en vigueur que dans un délai d'un an «pour laisser le temps du débat au Parlement», selon les mots de la garde des Sceaux. Retour sur deux mesures phares.
La création d’un âge de présomption d’irresponsabilité pénale
«Je propose de ne plus poursuivre les délinquants de moins de 13 ans en instaurant, en deçà de cet âge, une présomption d'irresponsabilité», a expliqué la ministre. Actuellement, un auteur d'infraction de moins de 13 ans peut écoper d'une mesure éducative si le juge le considère capable de discernement. Les juges des enfants décident au cas par cas. Dans le nouveau code pénal pour l'enfance délinquante, il sera désormais écrit qu'un enfant de moins de 13 ans est présumé irresponsable pénalement et ne pourra donc pas être poursuivi. Pour autant, il ne faut pas y voir un grand bouleversement car ce n'est pas un principe rigide, l'irresponsabilité pénale étant simple et non irréfragable (qu'on ne peut contredire). Il appartiendra donc toujours au juge d'estimer si le délit ou le crime commis l'ont été avec discernement, et le cas échéant de prononcer une mesure éducative. En réalité, il s'agit surtout de s'aligner sur les différentes conventions internationales, notamment la Convention internationale des droits de l'enfant des Nations unies, qui retiennent un âge butoir. «C'est une barrière symbolique», explique-on en interne à la chancellerie. Chaque année, 2 000 jeunes de moins de 13 ans font l'objet de poursuites, selon le ministère de la Justice.
Procédure en deux temps
En 2014, lorsque l'ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, planchait sur un projet de réforme de l'ordonnance de 1945, elle avait envisagé l'idée d'une césure dans le procès pénal. Elle prévoyait alors une première audience se prononçant sur la culpabilité et visant à prendre en charge, sans attendre, le préjudice subi par la victime. Puis, une enquête approfondie permettrait «d'accompagner le mineur, de faire en sorte que la sanction prononcée soit la plus adaptée». Sans coller précisément à ces étapes, Nicole Belloubet reprend tout de même le principe d'une double temporalité. Elle explique à la Croix : «Les procédures en la matière durent aujourd'hui en moyenne près de dix-huit mois, c'est beaucoup trop long. Je propose donc d'instaurer une nouvelle procédure en deux temps entre, d'un côté, la reconnaissance de culpabilité du jeune – qui doit intervenir dans les semaines qui suivent l'infraction – et, de l'autre, le prononcé de la sanction qui peut être différé dans le temps.» Autrement dit, la déclaration de culpabilité par un juge interviendrait dans un temps beaucoup plus proche du moment de l'infraction. Le mineur serait ensuite mis à l'épreuve quelques mois, encadré par des éducateurs et c'est seulement à l'issue de cette période que le juge prononcerait la peine en tenant compte de son comportement.