Menu
Libération
Argot

Non, l'expression «gros» ne vient pas du mot «négro» mais plutôt du banditisme

Dans un article sur l'uniformisation de l'argot, «le Parisien» impute une étymologie des plus farfelues à l'apostrophe popularisée par les rappeurs du 113.
Rim'K, membre du groupe 113 et apôtre du «gros». (Photo Frédéric Stucin pour Libération)
publié le 19 juin 2019 à 18h05

Dans un article intitulé «Filles comme garçons, pourquoi nos ados s'appellent tous "frère"», le Parisien revient sur les mille et une expressions issues de l'argot ou des argots qui tendent en partie à s'uniformiser, notamment par le biais des rappeurs français qui rendent tendance des expressions issues de leur zone géographique. Ainsi, l'étymologie du mot «gros» (pour dire «mec»), qui a connu une telle ascension, viendrait selon une explication plus que farfelue du quotidien :

1) Des Etats-Unis : «C'est le diminutif du mot "négro", dénué, dans ce sens, de toute connotation raciste et injurieuse. Il est inspiré du terme anglais "nigger" ou "nigga", très populaire aux Etats-Unis au sein de la communauté afro-américaine.»

2) Du 93 : «Lancé en Seine-Saint-Denis, "gros" s'est aujourd'hui largement répandu et dépasse sa dimension ethnique.»

«Gros bonnet»

En réalité, l'expression n'a rien à voir avec les Etats-Unis et le terme «négro» : elle commence à prendre du poids dans le Val-de-Marne des années 90. «Gros» ne désigne plus uniquement le «gros bonnet» (le voyou, le caïd). Le mot n'est plus réservé aux braqueurs et aux grossistes de produit stupéfiants. Tout le monde s'appelle «gros», qui devient synonyme de «frère» ou «mec». Le groupe de rap 113, composé de Rim'K, AP et Mokobé (tous issus de Vitry-sur-Seine) va populariser l'expression dans toute la France grâce au succès de l'album les Princes de la ville (1999). Le nom de l'album est inspiré du titre français du film américain Blood In Blood Out (1993). Ouais gros, le second titre de leur premier album, devient emblématique, un gimmick puis un terme repris partout.

Ambassadeur de l'expression, Rim'K scandera dans le refrain de Par Tradition (2004) : «Appelle-moi le gros.» En 2007, l'expression ayant largement dépassé les frontières du 94, le Vitriot tiendra à revenir sur le terme auquel sont attachés les habitants du Val-de-Marne : «Gros, c'est pour gros bonnet / Pour mon pote le gros qui a pris seize ans / Arrêtez d'être tous gros, gros c'est pour gros voyou.»

L’expression est sujette à controverse, d’autres territoires réclamant la paternité de «gros» : le succès a beaucoup de pères et l’échec est orphelin.