Non, les médecins hospitaliers ne vont pas se transformer en autant de dealers. Non, les salles de soins ne seront pas obscurcies par d’épais nuages produits par autant de pétards odorants. La commission chargée d’étudier l’expérimentation du cannabis thérapeutique a prévu des modalités draconiennes, à l’opposé des oniriques attraits des paradis artificiels. Point de fumée ni de joints ou de pipes sulfureuses : des gélules ou des sprays très pharmaceutiques, administrés avec un luxe de précautions à des patients dûment sélectionnés pour leurs souffrances avérées, que d’autres médicaments ne parviennent pas à soulager. Plus de 40 pays ont déjà légalisé, sous les mêmes et sourcilleuses conditions, cet antidouleur dont beaucoup de malades ont déjà éprouvé les vertus analgésiques. L’Académie de pharmacie, gardienne du temple, met en exergue les risques d’effets secondaires et craint que cette autorisation ne soit la porte ouverte à la banalisation du cannabis «récréatif». Mais ce sera l’objet de cette prudente expérimentation, dont les résultats seront évidemment rendus publics. Si ces craintes sont justifiées (ce que l’exemple des pays étrangers ne montre pas), on ne manquera pas de s’en apercevoir. Le débat sortira, justement… de l’académisme.
Reste bien sûr le précédent symbolique. Si le cannabis soigne les malades, dira-t-on, pourquoi serait-il nuisible aux bien portants ? C’est oublier l’antique proverbe : c’est la dose qui fait le poison. La légalisation du «cannabis thérapeutique» ne dit pas grand-chose, en fait, sur la légalisation tout court. Pour autoriser pétards et shit, on plaide surtout, non l’innocuité du produit, mais les effets pervers de la prohibition, qui fait prospérer toutes sortes de réseaux illégaux ou mafieux. Autre débat. Pour l’instant, les promoteurs du projet n’ont pas fumé la moquette. Plutôt fait preuve de bon sens.