L'énigme a été finalement été résolue après trente-trois ans. Jacques Rançon, condamné en 2018 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le viol et le meurtre de deux jeunes femmes, a été extrait mardi de sa cellule de Béziers afin d'être entendu sur le meurtre jamais élucidé d'Isabelle Mesnage, en 1986. Deux magistrats instructeurs ont fait le déplacement depuis Amiens pour interroger le sexagénaire sur le meurtre de cette informaticienne de 20 ans, dont le corps avait été découvert dans le nord de la France. Après 48 heures de garde à vue, «il a décidé de lui-même de passer aux aveux», confirme ses avocats, malgré l'absence d'ADN. Jacques Rançon a ensuite été déféré au TGI de Béziers et mis en examen des chefs d'assassinat et de viol. L'interrogatoire de première comparution a permis de confirmer les aveux du tueur, entraînant sa mise en détention.
L’enquête a été refermée en 1992, faute de nouveaux éléments. Mais la spécialiste des tueurs en série, Corinne Herrmann, s’est battue pour la réouverture du dossier, qu’elle a obtenue en 2018. De nouveaux actes ont alors été réalisés, comme l’exhumation du corps d’Isabelle. Cette analyse a conduit les enquêteurs sur la piste de «Jack l’éventreur», son autre surnom. Les mutilations sexuelles sont apparues similaires à celles découvertes sur les corps de ses deux victimes connues : Mokhtaria Chaib et Marie-Hélène Gonzalez.
Mode opératoire identique
Face aux juges d'instruction et aux enquêteurs, celui qui feignait lors de son procès «ne pas se souvenir», a dû se replonger dans la journée du samedi 28 juin 1986 à Fouilloy. C'est en toute fin de garde à vue qu'il a reconnu «de nombreux détails». A l'époque, la justice avait conclu à un non-lieu. Le calvaire de la jeune femme avait commencé alors qu'elle se rendait à un rassemblement de la jeunesse catholique organisé dans le Nord-Pas-de-Calais. Elle n'arrivera jamais à destination, ayant fait sur son chemin la rencontre de l'homme, originaire de la région. Aux gendarmes, ce dernier avoue l'avoir enlevée alors qu'elle faisait de l'auto-stop. Frappée, violée puis étranglée, la victime sera retrouvée affreusement mutilée, abandonnée dans une forêt. Ces atrocités, en guise de signature, vont mettre les enquêteurs sur la piste du cariste magasinier… bien des années plus tard.
Onze ans après ce qu'il confesse être «son premier passage à l'acte», une autre jeune femme, Mokhtaria Chaib, 19 ans, sera retrouvée morte à l'autre bout de la France, près de la gare de Perpignan. Le 16 juin 1998, toujours aux abords de la gare, une nouvelle disparition va inquiéter les habitants. Au total, ce sont 4 jeunes femmes au physique similaire qui disparaissent, vraisemblablement abordées par le même automobiliste. Le mode opératoire est identique : les organes génitaux des deux femmes sont mutilés. Le spectre d'Isabelle Mesnage resurgit. C'est finalement le 4 juin 2015, grâce aux progrès de la science, que Jacques Rançon est confondu par son ADN, un marquage génétique qui fait défaut sur les lieux de son premier crime. La ténacité des magistrats et des enquêteurs aura permis de rendre justice à sa première victime présumée.