Pro-xi-mi-té : là serait l'enjeu de l'«acte II» du quinquennat, dont la majorité assure ces jours-ci une infatigable promotion. Guéri, assure-t-il, de sa verticalité initiale, l'exécutif entend rapprocher l'Etat des élus locaux, les citoyens de la décision publique, mais aussi les agents publics des usagers et des territoires. Surtout dans les zones les plus mal loties en la matière.
Une circulaire du Premier ministre, début juin, et un comité interministériel, jeudi, ont ouvert un chantier censé modifier, au profit des territoires «périphériques», la géographie de la fonction publique. Celui-ci concernerait aussi bien les «fonctionnaires de guichet» que les «fonctionnaires de circulaire» : les premiers, au contact des usagers, seraient pour partie redéployés dans des «maisons de services au public» (MSAP) polyvalentes ; tandis que plusieurs milliers des seconds, toujours séparés du public, pourraient voir leurs services délocalisés en région.
«Mal identifié»
Rebaptisées France services, les MSAP vont voir leur nombre passer de 1 300 à 2 100 d'ici à la fin du quinquennat. Fixes ou itinérantes, dotées d'agents polyvalents, ces structures facilitent les démarches des usagers auprès de différents opérateurs, comme la Sécurité sociale, le fisc ou l'assurance retraite. Mais l'exécutif veut, explique un conseiller, «monter le niveau de jeu» de ces agences dont il juge les résultats mitigés : «Le concept est mal identifié, les taux de fréquentation sont faibles, le panier de services trop variable d'un lieu à l'autre», résume-t-on. Un décret d'Edouard Philippe doit, d'ici à la fin juin, fixer le niveau minimum de ces structures. Celles-ci ne font, pour l'instant, pas recette auprès des syndicats de fonctionnaires, qui y voient un «ersatz de services publics» (FO), mauvais substitut à de «vraies» agences locales.
En parallèle, le gouvernement envisage de relocaliser en régions plusieurs dizaines de services ministériels. L’idée n’est pas neuve, illustrée dès les années 60 par le départ pour Nantes de l’état civil des Français de l’étranger. Il ne s’agit pas tant d’améliorer le service que de faire profiter ces territoires des retombées de la présence de ces institutions et de leurs centaines d’agents.
«Chiffre aveugle»
Jeudi, l'exécutif évoquait la délocalisation d'une trentaine de services, représentant environ 4 000 fonctionnaires. Leur identité n'a pas été précisée, mais Bercy et la défense sont en l'état les plus gros contributeurs. Jugeant trop peu ambitieuses les propositions des autres ministères, Matignon va toutefois repasser sur les copies, et faire grimper d'ici à la rentrée le nombre d'agents concernés. Quant aux lieux d'arrivée, «le Premier ministre a insisté pour qu'il ne s'agisse pas que de métropoles régionales», poursuit-on. En clair, pour que Guéret soit servi au même titre que Lyon.
«Les locaux sont déjà là, estime un ministre. Avec la rétractation de l'Etat et la dématérialisation de certaines démarches, vous avez dans certaines préfectures des étages entiers quasiment désaffectés.» Et le même d'assurer que l'exécutif «reçoit déjà beaucoup de courriers d'élus, qui nous disent : il y a de la place chez moi». Là aussi, cependant, la discussion s'annonce délicate avec les syndicats, même si les relocalisations se feraient sur la base du volontariat.
Ces projets expliquent la relativisation, par l'exécutif, de ses objectifs de baisse du nombre de fonctionnaires. «Le Président a lâché la bride, car on ne peut pas mettre plus de monde sur le terrain et s'accrocher à un chiffre aveugle», explique-t-on à Bercy. Mais, se rassure-t-on, «avec les effets de la numérisation et le passage aux 35 heures pour tous [prévue par le projet de loi Fonction publique, ndlr], il y aura quand même des réductions d'effectifs».