«Ce n'est plus possible de considérer le journaliste comme un suspect.» L'introduction de Jean-Philippe Deniau, président de l'Association de la presse judiciaire (APJ), donne le ton. Depuis quelques mois, les convocations, les auditions libres, les gardes à vue et les perquisitions se sont multipliées, le droit de la presse étant régulièrement contourné pour justifier la mise en cause des journalistes. Plus d'une centaine d'entre eux ont ainsi été interdits de travailler en marge des manifestations des gilets jaunes.
Un constat inquiétant qui sert de base à l'initiative de l'APJ, qui a organisé mardi matin une conférence de presse destinée aux médias. Un condensé de rappel des droits pour «ces justiciables pas tout à fait comme les autres», selon Dominique Pradalié, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ), coorganisateur de l'événement. «Les menaces judiciaires récentes et répétées envers la profession ont conduit à l'élaboration d'une réponse plus frappante et plus efficace que d'habitude», indique le communiqué.
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Considéré comme un «médicament préventif» et téléchargeable sur le site de l'APJ, un guide de défense a été imaginé afin de répondre aux questions les plus élémentaires que peuvent se poser les journalistes confrontés à toute forme d'intimidation dans l'exercice de leur travail. Parmi ces interrogations : comment réagir à une convocation comme témoin ou en audition libre ? Faut-il nécessairement faire appel à un avocat ? Ou encore que faire en cas de perquisition de ses locaux ?
«Le secret des sources ne peut pas mettre en danger le journaliste»
Ce guide participe d'«une volonté d'informer à l'heure de la désinformation», ajoute Jean-Philippe Deniau. Au cœur de ce précieux document, la préoccupation croissante de la profession pour le secret des sources, pierre angulaire du métier. «Le secret, quel qu'il soit, a de plus en plus mauvaise presse», abonde Me Patrice Spinosi, dont le cabinet a participé à l'élaboration de ce guide, avant de poursuivre : «La société devient une société de transparence aidée par les moyens technologiques. Il y a une anormalité à cacher quelque chose dans notre société.»
C'est pourquoi l'essentiel des réponses s'appuient sur les garanties reconnues par la loi de 1881 sur la liberté de la presse et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté d'expression. «Parce que le secret des sources ne peut pas mettre en danger le journaliste», Dominique Pradalié suggère de bien prendre connaissance des éléments de réponse apportés dans ce document «au cas où». Cette intiative arrive à point nommé alors que l'Assemblée nationale étudie toujours la proposition de modification de la loi sur la liberté de la presse, que beaucoup craignent de voir vidée de son contenu.