Avec l'explosion des trottinettes en libre-service, certains sont tentés de détourner l'affaire à leur compte. En un an, beaucoup de magouilles se sont développées. Dans le milieu des juicers, ceux qui rechargent les trottinettes pour les remettre en service, nombreux sont ceux qui se plaignent que des clients privatisent les engins dans les cours des immeubles le soir. L'opération leur permet de repartir le lendemain avec la même trottinette, sans avoir à courir les rues. Pour y remédier, les applications demandent à présent aux clients de prendre une photo de l'emplacement au moment de se déconnecter. Pas suffisant à en croire ceux qui les ramassent et qui se retrouvent parfois à devoir forcer les portes cochères pour y accéder.
En banlieue parisienne, des personnes font aussi état de véritables camps de désossement des trottinettes à ciel ouvert. «Certains les revendent en pièces détachées, pour du métal ou pour des clients perso, d'autres les retapent pour les revendre sur Leboncoin. On est même tombés une fois sur un magasin qui récupérait et retapait des trottinettes en libre-service pour les revendre ensuite», explique un juicer chevronné.
A Paris, la société Bird, notamment, a beaucoup souffert des vols au sein de sa flotte. Elle avait recours jusqu'à récemment à une référence très populaire dans le milieu : la trottinette Xiaomi M365. Problème, comme l'a démontré le journaliste canadien Cory Doctorow dans un article publié en ligne sur BoingBoing, il suffit d'un kit à 30 dollars (26 euros) pour les transformer en transport personnel. Pour cela, les voleurs n'ont qu'à dévisser la partie centrale de l'engin où se trouvent les circuits électriques pour les remplacer par ceux fournis par le kit. Pour prévenir «l'évaporation» des machines, qui est la vraie bête noire de ces entreprises, Bird a choisi, comme Lime, de faire construire une trottinette sur mesure, réduisant ainsi les risques de détournement.
Ces sociétés demandent aussi à certains juicers aguerris de les aider à retrouver les engins dérobés. «On part en mission dans des garages le plus souvent, ou dans des boxs souterrains. La société Bird dit : "Il y a une trottinette à tel ou tel endroit, il faut que vous y alliez." Parfois, on est accompagnés de gros bras», explique Quentin, ancien juicer. Pas suffisant pour endiguer la fraude si l'on en croit les nombreuses annonces publiées sur Leboncoin, où il est toujours promis de transformer une trottinette en deux-roues personnel en deux temps trois mouvements. A défaut de pouvoir privatiser les trottinettes, d'autres offrent des courses gratuites à ceux qui les sollicitent, ajoutant à l'anarchie qui règne autour de ces engins.