Ce ne sont pas des faits divers. C’est un fléau social. On a longtemps pensé que les meurtres conjugaux étaient des drames rares, isolés, sans véritable lien entre eux. On a longtemps cru qu’il était difficile - déconseillé - d’intervenir dans l’intimité des couples, de s’immiscer dans des querelles familiales, de se porter au secours d’une femme battue pour l’apparente raison qu’elle était libre, si la situation devenait trop tendue, de partir.
Puis on a commencé à comprendre. Plus de 100 femmes meurent chaque année, tuées par leur conjoint ou leur ex, sur un total d’environ 800 homicides. Autrement dit, le féminicide constitue l’un des principaux types de criminalité mortelle en France. Il ne tient pas au hasard incontrôlable des conflits familiaux. Il est lié aussi, et peut-être principalement, à l’inégalité de condition et de respect entre l’homme et la femme. Le féminicide est un fait social. Les témoignages sont à cet égard éloquents. Souvent, la femme s’inquiète auprès de ses proches, prévient, alerte. Souvent, ces cris d’alarme restent sans réponse, les demandes de protection sont négligées et les mesures d’éloignement, rares ou oubliées.
A cela s’ajoutent l’emprise du mari sur son épouse, du compagnon sur sa compagne, et la honte d’étaler publiquement les difficultés du couple, qui bloquent la parole et paralysent l’entourage. Les lois existent, mais sont mal appliquées, les institutions mises en place (numéro d’appel, foyers d’accueil) sont insuffisantes. Pourtant l’action publique, quand elle se manifeste, est efficace. L’Espagne a mis en œuvre une politique volontaire et coordonnée : le nombre de féminicides a diminué de plus d’un tiers. C’est le sens du rassemblement de samedi : exiger des pouvoirs publics une réaction forte et unifiée. Les ministres concernées ont déclaré leur bonne volonté. Il leur reste à passer aux actes : l’urgence est là.