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Libération

Les nuits plus qu’agitées des détenus en France

publié le 3 juillet 2019 à 20h16

Une prison dans la prison. Voilà l'idée qui ressort du dernier rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) sorti ce mercredi, à propos de l'espace-temps singulier et pourtant peu analysé de la «nuit» en détention. Etablissements pénitentiaires, locaux de garde à vue, centres éducatifs fermés, centres de rétention administrative… : «la nuit, les droits fondamentaux y sont encore moins respectés», déplore la contrôleuse Adeline Hazan, dont les équipes se sont penchées sur le sujet une année durant, alarmées par les conclusions de leurs visites nocturnes. Conditions d'hygiène plus que douteuses, matériel inadapté ou défectueux, promiscuité exacerbée, «il fallait intervenir et se saisir du sujet», estime Adeline Hazan.

«Déjà, c'est simple, les couvertures ne sont jamais changées. Si on veut les laver, on doit se débrouiller pour les laver à l'eau», se souvient Anaël, récemment sorti d'une détention provisoire à Fresnes (Val-de-Marne). «Et puis on dort sans oreiller, parce que sinon on pourrait l'utiliser pour étouffer quelqu'un.» Concernant la literie, le rapport constate parfois l'usage de «simples rectangles de mousse, parfois anciens, dégradés et sales» entraînant des maladies de peau chez certains détenus, quand il ne s'agit pas des dommages causés par les nuisibles. «On a beaucoup de cas de requêtes déposées par les détenus à propos des punaises de lit», constate Adeline Hazan.

En cause également, la persistance d’odeurs nauséabondes, de systèmes de ventilation inutiles, de cellules mal conçues où il fait trop chaud ou trop froid. Le tout à supporter de 19 heures à 9 heures pour les gardes à vue, lorsque les interrogatoires sont suspendus, ou encore de 18 h 30 à 7 heures au sein des établissements pénitentiaires. Car dans les espaces de privation des libertés, la «nuit» est un concept particulier, qui commence dès que les détenus sont contraints de rejoindre leur cellule. Un espace-temps fictif où règne l’absence d’activité, l’impossibilité d’avoir des visites, et un accès aux soins limité.

«Le pire, la nuit, c'était les hurlements de ceux placés au mitard, et le comportement des matons sadiques», se rappelle Christophe de La Condamine, ancien détenu tombé pour braquage. «Ils sont une minorité, mais quand ils sont là, c'est Guantánamo.» A Fresnes, «tout le monde pète des câbles la nuit», a constaté Anaël. Pour de multiples raisons, mais souvent pour «manque d'accès aux soins», comme le souligne le rapport.

Et au sein des établissements pénitentiaires, beaucoup doivent partager leur cellule, souvent à trois pour 9 m², des conditions qui, pour la CGLPL, «portent atteinte à l'intimité et à la dignité». «Nombreuses sont les personnes à se retenir d'aller aux toilettes dans le silence de la nuit», souligne ainsi le rapport. La contrôleuse Adeline Hazan insiste, «avec le phénomène de la surpopulation galopante dans les lieux de détention en France, le problème de la nuit est devenu encore plus frappant ces dernières années».