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Libération

Contrôle renforcé, sanctions… les chômeurs se rebiffent

publié le 8 juillet 2019 à 20h46

«Les chômeurs vont sortir des listes de Pôle Emploi. On ne les verra plus nulle part. Ça va les écraser.» Au micro, devant une poignée de syndicalistes et militants rassemblés lundi devant le Conseil d'Etat à Paris, Rose-Marie Péchallat, de l'association Recours Radiation, ne décolère pas. Elle est venue, avec d'autres associations de défense des chômeurs et des syndicats, déposer un recours devant la plus haute juridiction administrative contre un décret portant sur le contrôle des demandeurs d'emploi. Paru fin 2018 dans le cadre de la loi «avenir professionnel», ce dernier a précisé la nouvelle échelle de sanctions pour les chômeurs qui auraient «manqué» à leurs obligations.

A l'époque, le gouvernement avait défendu une nécessaire réforme pour rendre cette échelle «plus cohérente». Mais ses détracteurs dénoncent, eux, une «soumission au travail forcé» via le renforcement des contrôles et la mise en place d'une «automatisation des règles de sanction». Le texte prévoit qu'en cas d'insuffisance de recherche d'emploi - comme le refus à deux reprises de deux «offres raisonnables d'emploi» - l'allocation chômage puisse être «supprimée». Et ce directement par Pôle Emploi, là où, auparavant, il ne pouvait y avoir que «suspension», décidée, par les préfets. Un changement «inadmissible» pour Rose-Marie Péchallat, qui conteste que «Pôle Emploi soit juge et partie en étant celui qui indemnise et sanctionne». C'est notamment sur cet argument que les requérants ont basé leurs recours. «Qu'est-ce que c'est, une "recherche active" ? Une "offre raisonnable d'emploi" ? Sur un plan juridique, cela ne veut rien dire. On laisse la place à l'arbitraire», ajoute Elie Lambert, de l'union syndicale Solidaires. Elle dénonce un «texte destructeur» qui vise à «faire disparaître les indésirables» des chiffres du chômage.

Cette «invisibilisation» a déjà commencé, selon Péchallat : «Avec ce décret, les chômeurs sont infantilisés et considérés comme coupables a priori. Beaucoup ne veulent plus aller à Pôle Emploi, par peur d'être sanctionnés.» La bataille juridique devrait durer un mois : «Si on ne peut faire tomber ce décret en totalité, on espère au moins faire supprimer les points les plus scandaleux», explique Elie Lambert de Solidaires.