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Sécurité

Des députés déplorent les conditions de travail «dégradées» des forces de l'ordre

Dans un rapport publié ce mercredi, une commission d'enquête parlementaire sur le quotidien des policiers et gendarmes met notamment en cause «la vétusté des bâtiments, et un manque de moyens logistiques et techniques».
Des policiers en patrouille à Paris en 2017. (Photo Stéphane de Sakutin. AFP)
publié le 10 juillet 2019 à 17h04

Des conditions de travail «dégradées» sur fond de «sentiment d'abandon». Dans un rapport parlementaire dévoilé ce mercredi, les membres d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale alertent sur le quotidien des policiers et des gendarmes en France. Pour son rapporteur, Christophe Naegelen (UDI-Agir), «il y a urgence à intervenir». Ces conditions de travail sont «déplorables», renchérit le président de la commission d'enquête, Jean-Michel Fauvergue (LREM), ancien patron du Raid, qui met notamment en cause «la vétusté des bâtiments, et un manque de moyens logistiques et techniques».

D'après les chiffres de la Direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), la direction générale de la police nationale (DGPN) comptait 22% d'immeubles vétustes (28% pour la préfecture de police de Paris), tandis que la gendarmerie fait savoir que 80% de ses casernes ont plus de 50 ans. Du côté des véhicules, l'ancienneté des blindés à roues de la gendarmerie mobile culmine à 45 ans, et le rapport souligne le caractère «vieillissant» du parc automobile de la police, passé de 5,5 à 7,4 ans entre 2012 et 2018.

«Risques psychosociaux»

Ces difficultés matérielles, exacerbées par l'augmentation d'une pression opérationnelle jugée «inédite», s'accompagnent, bien souvent, d'un malaise et d'un mal-être diffus, que la gestion des ressources humaines tend parfois à raviver. La question des heures supplémentaires cristallise de vives tensions: elles montent jusqu'à plus de 123 millions, soit une moyenne de 164 heures supplémentaires par agent, comme le signalait déjà un rapport sénatorial en 2018. En décembre, les syndicats de police s'étaient saisis du problème pour exprimer leur ras-le-bol, réclamant le paiement de leurs heures supplémentaires en retard, sous tension après un mois de mobilisation intense des gilets jaunes.

Horaires sans fin, bas salaires, tâches indues, équipements en mauvais état… Ces conditions de travail éprouvantes ne sont pourtant pas nouvelles, et régulièrement dénoncées par les syndicats et autres représentants des forces de l'ordre. Pas plus tard qu'en juillet 2018, le Sénat publiait lui aussi un rapport sur «l'état des forces de sécurité intérieure», qui alertait sur les mêmes écueils. «Ce rapport insistait surtout sur les risques psychosociaux», se défend Christophe Naegelen, qui veut voir dans la synthèse des études de l'Assemblée un «travail pragmatique, englobant à la fois la question du malaise, mais aussi celles des conditions de travail des forces de l'ordre».

«Besoin d’être entendus»

En guise de spécificité, les députés mettent en avant le nombre de visites réalisées directement sur le terrain (entre 250 et 300), en plus des auditions traditionnellement effectuées dans le cadre des commissions parlementaires. Plus encore, 13 735 gendarmes, policiers et réservistes ont été consultés par l'intermédiaire d'un questionnaire en ligne – le rapport se targue qu'il s'agit de la «troisième consultation la plus populaire sur le site de l'Assemblée nationale». Christophe Naegelen y voit la preuve «du besoin des policiers et des gendarmes d'être entendus. Nombreux sont les répondants qui, en commentaire libre, demandent que les résultats soient publiés». Un vœu presque exaucé, puisque les données seront prochainement consultables sur le portail open data du Palais Bourbon, promet le rapporteur.

Pour contrer la dégradation des conditions de travail des forces de l'ordre, les parlementaires de la commission d'enquête – dont le travail a débuté en pleine crise des gilets jaunes – plaident pour une réforme profonde la sécurité intérieure. A la rentrée, un livre blanc sera justement initié sous l'égide du ministère de l'Intérieur. Un augure qui ne satisfait que partiellement le rapporteur : «Il y a urgence à prendre une décision. On ne peut pas toujours relancer des Grenelle, recréer des livres blancs sans passer à l'action.»